À la lumière des événements survenus dimanche soir au Centre culturel islamique de Québec, les médias ont-ils une part de blâme sur le climat social qui a favorisé cette tragédie ?

Sonya Bacon, stratège (anciennement chez Publicis, Bleublancrouge, Sid Lee et Bos), partage ses pensées.

Sonya Bacon

Tout le monde parle de l’effet des médias ou de l’effet Trump dans ce qui vient de se passer. On tente de trouver une raison à cet acte insensé.

L’automne dernier, à mon cours à l’Université de Sherbrooke, je parlais du cas du lancement du film The Dark Knight Rises qui avait développé une campagne publicitaire phénoménale pour le lancement du dernier film de Christopher Nolan. On se souvient qu’à la première du film, un tireur fou déguisé en joker a tué 12 personnes et blessé 58 personnes à Aurora au Colorado. Une étudiante m’a alors interpellé. Est-ce que ce n’est pas la publicité et la campagne de promotion du film en question qui a causé cette tuerie ? Sa question m’est revenue en boucle plusieurs fois. Avons-nous une responsabilité, nous gens de la publicité et gens des médias face à ces événements ? Oui, nous en avons un.

Suite aux événements de Nice, les médias français se sont dotés d’un code d’éthique qui encadre la couverture et la divulgation des informations. Nous nous croyons à l’abri de tels événements, il n’en demeure pas moins que les événements des dernières heures nous ont prouvés le contraire. Québec, Montréal, Trois-Rivières ou Saguenay ne sont pas à l’abri d’actes insensés.

Les psychiatres ont établi depuis des années que les auteurs de telles atrocités recherchent la reconnaissance publique de leurs crimes que leur donne une couverture médiatique abondante. Comme c’est le cas avec les suicides, les médias doivent faire preuve de réserve pour ne pas encourager le passage à l’acte d’autres personnes. Il y a des individus qui sont plus fragiles ou encore plus enclins à passer à l’acte vs ce qu’ils écrivent en toute impunité sur les médias sociaux. Certains critiquent la forte publicité dont bénéficient les terroristes, qui pourrait, selon eux, avoir un effet d’entraînement. Les recherches montrent que quand les attentats sont fortement médiatisés, il y en a rapidement d’autres qui suivent et je ne cesse de compter le nombre d’attentats depuis quelques années, ils ne font que s’accentuer année après année. C’est ça le plus désolant.

Les terroristes veulent de la publicité et les médias leur en donnent sur un plateau d’argent et ceci ne fait qu’exacerber leur besoin et leur motivation profonde de reconnaissance. Il est temps de se pencher sérieusement sur un code d’éthique face à de tels événements.

Est-ce nécessaire de montrer les photos des tueurs — leur historique et leur profil Facebook ?
Est-ce nécessaire de couvrir la nouvelle en continu ?
Est-ce nécessaire d’avoir de la surabondance d’informations ?
Est-ce nécessaire de demander aux lecteurs ce qu’ils pensent du drame ?

En publicité, nous avons un code d’éthique que nous appliquons à la lettre pour nos annonceurs et pour le bien-être des consommateurs.

Pourquoi n’en serait-il pas de même sur les médias de masse, dans les nouvelles ?
Pourquoi dans les médias sociaux est-ce qu’il n’y aurait pas un code d’éthique et de la modération pour éviter les débats stériles, la violence, les mots injustes et le manque de respect envers l’autre ?

Tant de questions, mais qui ne doivent pas rester sans réponses.