Honda, Jean Coutu, Fido, Journal de Montréal, Sports Experts, Rona, Super 7, Couche-Tard, Église de Montréal. Par de solides campagnes publicitaires, ces marques ont tour à tour frappé l’imaginaire des consommateurs québécois – et celui de nombreux créatifs ! Leur point commun ? La contribution d’Hugo Léger, souvent marginale dira-t-il humblement, mais parfois énorme… comme l’idée de faire parler deux prises de courant pour Hydro-Québec. Savoureuse pointe de conversation avec un homme de mots.
Hugo, plusieurs l’ignorent, mais avant d’entreprendre ta carrière en pub, tu étais journaliste.
En fait, j’ai un bac en sociologie! Mais comme j’aimais surtout écrire, en sortant de l’école, je me suis plongé dans le journalisme, en plein mouvement contre-culturel ;) Pied-de-nez au journalisme traditionnel, ce qu’on appelait le « nouveau journalisme » ne se contentait plus de relater objectivement les faits, il les commentait, en écrivant au « je ». J’ai fait ça pendant une dizaine d’années, en passant du magazine Le Temps Fou au Devoir, à MTL, puis à L’actualité.
Et, suite logique, tu es passé à la pub pour parler au « ça » (RIRES)!
Dans ma grande naïveté, j’avais l’impression que c’était le même métier! Comme rédacteur en chef, j’étais toujours à la recherche du titre qui punch. Je me suis donc dit pourquoi pas, et Jean Gamache m’a engagé chez Cossette! J’y ai fait toutes sortes de boulots, dont beaucoup de longues copies (excuse l’anglicisme) parce que je savais écrire; ce qui n’est pas le propre de tous les rédacteurs en pub, au Québec! (RE-RIRES)
Puis ta période (Dentsu)Bos... ou plutôt ta période de vie de couple professionnelle, devrais-je dire?
Ha ha! Oui. Je suis allé rencontrer Roger (Gariépy), quelques articles roulés dans la main en guise de portfolio. Ça a immédiatement cliqué entre nous. Moi, le junior publicitaire, j’étais teamé avec ce gars qui avait bossé avec des André Paradis et des Richard Nadeau! Sens du punch redoutable, excellent conteur, très grand sens de la persuasion, Roger est un publicitaire extrêmement dangereux, dans le bon sens du terme! Sans lui, j’aurais pas eu la carrière publicitaire que j’ai eue.
Elle va comment la pub, aujourd’hui ?
Dans toute grande campagne, on voit le goût du risque d’un client et l’excellente compréhension des enjeux client de la part de l’agence. Mais, parce qu’on veut (on peut ?) maintenant tout mesurer, la part de risque devient de moins en moins grande. On joue safe, sur les talons. Ça donne de la pub... correcte. Inodore. Incolore. Ce qui est contradictoire avec son rôle, qui est pourtant de se démarquer, de se faire remarquer, voire de se faire aimer... Il est quand même significatif de voir qu’au Québec, les annonceurs les plus audacieux sont des annonceurs gouvernementaux.
Le futur de la pub ?
Un des grands défis de la pub — oups, de la communication créative! — est de renouveler sa pertinence. Elle doit cesser de se parler à elle-même. Elle doit redevenir irremplaçable aux yeux des clients. De la période des très grosses agences et des budgets faramineux, jusqu’à la réalité d’aujourd’hui, on a appris l’humilité. C’est une excellente chose. Il faut mettre cette humilité au service du client. Et respecter nos compétences réciproques.
La création ?
Le Québec est rendu pas mal bon de ce côté. On a de très bons réalisateurs, de très bons techniciens, et les créatifs sont bien meilleurs qu’à l’époque. Ils sont mieux formés. Plus polyvalents. Et ils ne s’intéressent pas qu’à la pub, ils ont d’autres intérêts en parallèle. Et c’est bien!
Toi aussi, tu as d’autres intérêts! Maintenant que tu as quitté DentsuBos, quelle est ta suite ?
Au cours des dernières années, j’ai écrit deux romans. Ça m’a donné de l’oxygène. J’ai donc des projets d’écriture : un troisième roman en 2016, des chroniques illustrées aussi. Et j’aimerais bien faire de la série télé ou de la série Web. Au fond, moi ce qui m’intéresse, c’est d’écrire, tout simplement. Pour moi ou pour les autres. C’est tout ce que je sais faire :)
Comme le dit l’adage, on peut sortir un gars de la pub, mais jamais le contraire. En bon ex-directeur créa (ou ex-rédacteur en chef ?), Hugo m’a — gentiment — demandé de lui montrer ce texte avant qu’il ne soit publié. Ce que tu lis ici, cher ami lecteur — si tu le vois — a donc été approuvé par le plus modeste des créatifs, celui qui, de son propre aveu, dit se satisfaire de l’ombre. D’où il a d’ailleurs mis sous les projecteurs d’inoubliables campagnes publicitaires. Même Dieu a cru en lui, c’est dire!
Ce qu'ils ont à dire sur Hugo Léger...
Kristina Landry
M’asseoir au bureau d’Hugo, c’était comme m’asseoir au bureau de mon professeur préféré au primaire : un privilège. À notre rencontre, j’avais 21 ans; au départ intimidant de par son curriculum vitæ et par sa répartie aiguisée, il s’est avéré un guide patient et délicat, généreux de son temps, comme de sa confiance. De lui, j’ai appris la rigueur, la ténacité, la simplicité.
Et je retiens aussi la légèreté. Car s’il avait toujours le mot juste, il avait aussi l’œil rieur, ce qui a certainement contribué à forger notre complicité. Aller au bureau d’Hugo, c’était être certain de repartir avec un script amélioré, un fou rire et une anecdote sur son chat. Bref, de repartir les épaules plus légères dans tous les cas.
Neuf ans plus tard, je peux dire que jamais je n’aurais pu rêver grandir, tant professionnellement que personnellement, aux côtés d’un personnage aussi important.
Merci pour tout, Hugo. Je mets ton élégance, ta vive intelligence et ton talent immense dans mon coffre à crayons.
À bientôt !
André Paradis
Pendant qu’ailleurs on rameutait les troupes, les feutres et les blocs de post-its géants pour de vains brainstormings créatifs, assis seul à son bureau, Hugo Léger réfléchissait.
Après, il nous racontait. Une télé, une affiche, une idée de campagne ou pire (c’est ma jalousie qui parle) : un message radio. C’était toujours clair, net, concis. Personne n’écrit la radio comme Hugo. Pas de petit truc facile ou d’effet sonore complaisant. Une voix. Un texte. Une idée. Puis le midi, alors que tous les autres créatifs se dispersaient dans les restos du quartier, assis seul à son bureau, Hugo mangeait son lunch. J’ai longtemps cru que c’était par misanthropie ou, pire, par pingrerie. Mais en fait, Hugo, sans le dire à personne, tournait autour d’un autre sujet...
Un beau jour, il a publié son premier roman, puis son second. Il est comme ça, Hugo, on ne sait jamais exactement ce qu’il fricote. Mais on est rarement déçu!
Et je ne vous parle même pas des moments où Hugo et Roger s’asseyaient ENSEMBLE…
Roger Gariépy
Hugo Léger est une huître. Et dedans, il y a une perle.
Pendant plus de vingt ans, j’ai eu le privilège de côtoyer un être complexe et, disons-le d’emblée, plus intelligent que la moyenne des ours. Instruit et cultivé, mais aussi très respectueux des gens, il s’impatiente rapidement et devient très très désagréable devant la bêtise, le mépris et l’ignorance.
Hugo préfère l’ombre à la lumière. Et c’est dans l’ombre qu’il a souvent été le seul architecte de nos succès communs. C’est aussi un homme rigoureux et discipliné. Capable, par exemple, d’écrire un roman sur le coin de son bureau, le midi, en mangeant son lunch (tout aussi équilibré) sans que personne ne soit au courant de son projet. Pas même moi!
Ses succès, il les a toujours vécus avec beaucoup d’humilité et c’est ce qu’il a essayé de transmettre aux plus jeunes de l’agence. Et, étonnamment, il leur inspire toujours le respect, malgré le fait qu’il insiste pour exprimer ses idées avec des dessins franchement risibles. Nos meilleurs moments, nous les avons passés au bord de la mer avec nos familles. Parce que oui, nous prenions aussi nos vacances ensemble! C’est donc en connaissance de cause que j’avance, sans hésitation, qu’avant d’être journaliste, sociologue, publicitaire, écrivain et scénariste, Hugo est d’abord et avant tout un bon père de famille.
Les podcasts...
Hugo Léger 101 : sa carrière en 10 minutes 3 secondes.
Le futur de la pub et des agences
Et après ? que nous réserve Hugo dans sa suite des choses ?
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Article paru dans le Grenier magazine du 8 février. Pour vous abonner, cliquez ici.