Les jeunes diplômés qui rêvent de joindre les rangs d’une agence de publicité auraient tout intérêt à acquérir de l’expérience. Car l’un des plus grands défis des recruteurs en agence consiste à trouver de nouveaux talents qui sont prêts à faire face à un travail au rythme effréné et qui pourront rapidement relever d’importants défis.

Les agences de publicité n’ont généralement pas de mal à dénicher des candidats potentiels pour garnir leurs troupes, mais leurs responsables des ressources humaines peinent parfois à dénicher de jeunes talents qui ont le bagage nécessaire pour y faire une entrée remarquée.

« Dans un contexte d’agence, où le rythme est effréné, malgré le fait que nous voulons le plus possible favoriser la relève, l’expérience (et/ou l’expertise) est importante, a souligné Dominique Boyer, responsable de l’acquisition de talents chez Cossette. En termes de technologies et de tout ce qui a trait au volet numérique, c’est un peu plus difficile d’aller chercher l’expertise technique dont on a besoin. C’est donc pourquoi nous misons surtout sur le développement de nos employés et sur la formation. » En création, ce qui est le plus difficile, c’est de trouver l’expertise artistique qu’on recherche, soit de trouver des folios étoffés et une expérience qui se démarque. Toutefois, au-delà des compétences reliées à l’emploi et au-delà de l’expérience requise pour le poste, nous cherchons surtout des gens qui sont à l’aise dans un contexte de changements et d’évolution continue, des gens qui apporteront des idées innovantes à la table. Il y a beaucoup d’offres, alors le défi c’est d’aller chercher quelqu’un qui correspond à ce qu’on recherche, mais qui correspond aussi à nos valeurs. »

Bien que la formation des jeunes publicitaires ne soit pas remise en question, une frontière subsiste entre les bancs d’école et le monde du travail; une frontière qui ne peut être franchie qu’en défonçant des portes pour acquérir de l’expérience concrète, sur le terrain. « De façon générale, les programmes d’études, que ce soit les attestations d’études collégiales (AEC), les diplômes d’études collégiales (DEC) ou les baccalauréats (Bac), ont souvent un petit décalage avec la réalité du marché », a noté Peggy Boustany, recruteuse de Sid Lee.

« L’industrie dans laquelle nous évoluons change à une vitesse fulgurante et, pour pouvoir rester à l’affût, la majorité des programmes devraient exiger au minimum la réalisation d’un stage en entreprise pour l’obtention d'un diplôme, et ce, dans le but de mieux outiller les étudiants d’aujourd’hui qui seront les employés de demain », a pour sa part ajouté Véronique Hébert Jean-Mary, directrice des ressources humaines de Dentsu Aegis Network Canada, société mère d’agences de communication et marketing, dont Carat, DentsuBos, iProspect, Vizeum, AMNET et 360i. « Force est de constater que, pour les postes d’entrée, les étudiants ayant réalisé des stages pendant la période de leurs études s’adaptent plus facilement et font davantage preuve d’autonomie et de débrouillardise », ajoute-t-elle.               Pour combler cet écart entre la théorie et la pratique, certaines agences, dont Cossette et Sid Lee, ont mis sur pied des programmes de stages qui permettent aux mordus de la pub d’avoir un aperçu de la vie en agence. « Ça fait quelques années qu’on offre de la formation pour la relève, a rappelé Mme Boustany. Autrefois, on avait une structure qu’on appelait le boot camp, qu’on a d'ailleurs revue l’an dernier, afin de l’intégrer au programme de stage. L’objectif est de recruter des jeunes talents dans des disciplines précises et de leur donner le petit plus entre la fin des études et le marché du travail. Parce que c’est assez difficile d’arriver dans un environnement aussi dynamique que le milieu des agences [en sortant de l’école]. »

« Rien ne vaut une expérience en agence! », ajoute Dominique Boyer. Notons aussi que les plus beaux talents, formés grâce aux stages en agences, ont souvent la chance de s’y faire une place au terme de leurs apprentissages. Le défi pour les ressources humaines devient alors tout autre : comment retenir ces jeunes talents dans une industrie marquée par un fort taux de roulement ? En 2012, une étude de l’American Association of Advertising Agencies révélait que le taux de roulement dans les agences de publicité américaines était de 30%. Bien que ce taux ne semble pas aussi élevé au Québec, selon les agences consultées par Grenier aux nouvelles, il n’en demeure pas moins une préoccupation. Les agences rivalisent ainsi d’originalité et de flexibilité, pour tenter de retenir leurs meilleurs employés.

Dominique Boyer, Responsable de l’acquisition 
de talents chez Cossette

« C’est important d’avoir un noyau solide à l’intérieur de l’agence, a affirmé le coprésident de Brad, Martin Bernier. Du roulement, il y en aura toujours, mais plus ta marque est séduisante, plus c’est facile de garder ton monde et de recruter. C’est important de garder la marque attrayante. »

Un constat que partagent aussi Cossette et Sid Lee, qui remarquent que leur notoriété facilite le recrutement de nouveaux talents, de même que la rétention des anciens. « Il faut quand même se vendre auprès des candidats, a précisé Dominique Boyer. On ne peut pas juste s’asseoir sur le fait qu’on est Cossette. Il faut se démarquer des autres. Il faut remporter des comptes stimulants, offrir des défis aux candidats, mais aussi de bonnes conditions d’emploi. »

Le vice-président et directeur général de LG2, Mathieu Roy, résume d’ailleurs de belle façon l’importance d’offrir à ses employés un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. « On croit fermement que les gens doivent avoir une vie à l’extérieur pour être capables d’avoir des idées à l’intérieur. On est très respectueux de cet équilibre », a-t-il mentionné.

Les entreprises qui se montrent à l’écoute de leurs employés et qui sont prêtes à s’adapter aux besoins de la nouvelle génération ont tout à gagner. « En tant que recruteurs, nous avons le devoir de changer notre mode de pensée et d’être à l’écoute de ce qui est important pour la nouvelle génération, a soutenu Véronique Hébert Jean-Mary. Les entreprises ne s’adaptent pas assez rapidement à la réalité de la génération Y et manquent ainsi des occasions pour développer, chez cette relève, un réel sens d’appartenance, rendu possible en prenant le pouls de leurs valeurs, de leurs priorités et de leur façon de faire. »

Les agences qui parviennent à développer chez leurs employés un fort sentiment d’appartenance parviennent d’ailleurs, en général, à atteindre de haut taux de rétention. « On a mis en place des programmes de formation pour nous assurer que nos employés étaient en mesure de suivre Sid Lee dans sa mission, a expliqué Annick Désy, vice-présidente ressources humaines de Sid Lee. Ça répond à un besoin criant exprimé par nos employés, qui veulent savoir qu’ils peuvent grandir dans l’entreprise et qui veulent comprendre ce qu’il faut faire pour accéder au niveau supérieur. »

« Les Milléniaux recherchent toujours de nouveaux défis et de nouvelles façons de faire, a ajouté
Mme Hébert Jean-Mary. Ils n’ont pas peur du changement et ils misent sur l’équilibre dans leur vie. Cette façon d’être a d’importantes implications sur les moyens que les agences et que les marques à la recherche de talents doivent prendre pour recruter et pour retenir les jeunes professionnels. Il faut bâtir un réel sentiment d’appartenance auprès des talents, qui tient compte de leurs priorités et de leurs valeurs. Le devoir revient aux organisations d’être proactives et de répondre aux besoins de leurs employés les plus performants. Sortez des sentiers battus, n’ayez pas peur d’innover et d’être les pionniers dans votre industrie! » Un conseil que bon nombre d’agences de publicité semblent disposées à mettre en œuvre.


Coup d’œil sur la génération Y


Les recruteurs qui œuvrent dans les agences de publicité doivent composer avec la vision et la façon de faire de la génération Y, qui diffèrent souvent des habitudes des générations précédentes. Mais qu’est-ce qui définit la nouvelle génération ?


« Les Y sont à la recherche de possibilités d’avancement rapide, d’un coach au lieu d’un patron, d’un environnement avec peu de règles et d’encadrement, a expliqué Véronique Hébert Jean-Mary, directrice des ressources humaines de Dentsu Aegis Network Canada. Ils cherchent à travailler pour des organisations qui font preuve d’ouverture et de créativité. Ils aiment partager leurs opinions et sentir qu’ils ont un réel impact sur l’organisation. Ils sont à la recherche d’un équilibre entre les moments de loisir et le travail. Ils considèrent les employeurs qui traitent de manière juste et équitable les employés, qui ont une structure organisationnelle aplanie et qui redonnent à la société. Les travailleurs de la nouvelle génération ne sont ni plus, ni moins loyaux. Plus fondamentalement, leurs priorités et leurs aspirations dans leur vie professionnelle et personnelle se sont transformées depuis la génération précédente. »

Véronique Hébert Jean-Mary, Directrice des Ressources Humaines chez Dentsu Aegis Network Canada


« Que recherche la génération Y ? Elle recherche un milieu de travail, un environnement, une expérience en soit. Elle cherche du feedback, de la flexibilité, de la reconnaissance, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Elle cherche aussi, et surtout, à comprendre. Elle veut avoir le sentiment de faire une différence, a indiqué Annick Désy, vice-présidente ressources humaines de Sid Lee. C’est important d’être à l’affût de ce qui anime cette génération et d’adapter les bénéfices en fonction de ça. »


« Il faut être innovateur, il faut être concurrentiel et il faut remporter des projets intéressants. Les gens en agence veulent travailler sur des projets stimulants et vont aller jusqu’à sélectionner leurs projets. C’est pour ça que ça bouge beaucoup, a noté Dominique Boyer, responsable de l’acquisition de talents de Cossette. Les projets, les clients, ce sont des critères pour les candidats. Il faut non seulement se démarquer en tant qu’agence, mais aussi se démarquer dans les défis qu’on a à leur offrir. Le marché a complètement changé. Alors qu’autrefois, les candidats devaient se vendre en entrevue, aujourd’hui, les agences doivent aussi le faire en proposant de bonnes conditions d’emploi, des défis stimulants et des possibilités de progression. »


Article paru dans le Grenier magazine du 26 septembre 2015. Pour vous abonner, cliquez ici.