Véritable figure de proue des communications, une «généraliste du domaine» comme elle aime se définir, Nicole Dubé quittera à la fin de l'année son poste de directrice du marketing aux Producteurs de lait du Québec. Départ à la retraite? Nouveaux projets professionnels? C’est ce que vous saurez en lisant le rendu de cette entrevue exclusive du Grenier aux nouvelles.

Grenier aux nouvelles: Nous avons appris votre départ vendredi dernier. Est-ce un départ à la retraite, après près de 30 ans au sein des Producteurs de lait du Québec?

Nicole Dubé: Eh non! Il s’agit d’un recommencement pour moi. Dans la vie, je rêve constamment et je crois que l’on doit réaliser ses rêves. En fait, plus je vieillis, plus je rêve. Vous voyez donc que je n’ai pas fini (rires)! Je me sens bien dans tout ça. Je me trouve privilégiée car j’ai le «choix de choisir». J’aurais pu continuer encore aux Producteurs, mais j’ai choisi de quitter alors que j’étais «en haut» et non «en bas»: je pars quand tout va bien.

Je voulais passer à autre chose. Toutes mes activités se feront désormais à mon rythme. Il y a plusieurs projets sporadiques qui m’intéressent. D’ailleurs, plusieurs entreprises m’ont approchée pour des consultations. Au-delà de cela, je veux prendre le temps de vivre et de voyager. J’ai aussi envie de mettre à profit ma nature curieuse et mon amour pour la culture. Je veux avoir la chance de pouvoir choisir mes projets. J’ai aussi le goût de me lancer des défis personnels, juste pour moi.

GAN: Quel sera votre premier projet?

ND: Je vais partir à Paris pour visiter le nouveau Musée Picasso. Je suis vraiment une amoureuse de la culture. Ma ville, c’est Paris. J’ai toujours dit que j’aurais aimé vivre à Saint-Germain-des-Prés dans les années 50. Alors, comme je suis égale à moi-même, pour ce second départ, je commence par Paris!

GAN: Pouvez-vous nous dresser un portrait de votre carrière aux Producteurs laitiers du Québec?

ND: Quand j’ai passé l’entrevue en 1985, après de courtes expériences chez Pharmaprix, Jean Coutu et Metro, on m’a dit: «Écoutez, vous êtes notre choix. Toutefois, nous avons un problème. Vous ne restez pas longtemps dans vos fonctions. Nous souhaitons engager quelqu’un qui restera avec nous longtemps». Ce à quoi j’ai répondu: «Dans la vie, ce sont des défis que je recherche. Ce contrat se fait à deux. Si vous me donnez la liberté d’action et la chance d’avoir des défis, on peut faire une association pour de nombreuses années». J’avais même répondu: une association de plus de 25 ans! Et c’est ce qui est arrivé!

Quand je suis arrivée à la Fédération, j’avais un budget marketing de 2 millions de dollars. Pour vous donner une idée, aujourd’hui, le budget est de 20 millions. Puis, au départ, on n’avait qu’un produit: le Lait. Se sont ajoutés la Crème, le Lait au chocolat, les Fromages d’ici et le Beurre par la suite.

Tout au long de mon parcours aux Producteurs, j’ai eu la chance de travailler avec des équipes extraordinaires, que ce soit à l’interne ou les agences avec lesquelles j’ai travaillé (PNMD devenue BBDO, Cossette Québec et Touché! pour les produits médias). Je me suis arrangée pour bien m’entourer. Et je leur ai été très fidèle. C’est la clé!

En général, les Producteurs de lait du Québec m’ont permis de réaliser mes rêves.

GAN: Quelle est la campagne dont vous êtes le plus fière?

ND: J’en ai plusieurs, mais je ne peux pas passer à côté de la Chanson française, la campagne «Blanc», lancée en septembre 1998. Pour deux raisons d’ailleurs. D’abord, on se cherchait avec le Lait. On tournait en rond. Puis, on m’a présenté un imprimé et celui-ci m’a fait basculer: sur fond blanc, on voyait un bébé avec le message «Vous avez déjà pleuré pour en avoir». J’ai dit: «C’est ça! Vous devez le développer pour la télévision». Cette campagne a vraiment débloqué en 1999 avec la chanson C’est ma vie, d’Adamo. Elle a donné lieu aux albums 1 et 2 Blanc du Lait.

Sur une note plus personnelle, en 1998, j’ai eu un cancer. Quand j’ai commencé mes traitements, nous étions en pleine création de cette campagne. J’ai continué à travailler pendant ceux-ci, alors je ne peux pas dissocier cette campagne de ma vie personnelle. C’est plus fort que moi.

GAN: Comment avez-vous réussi à constamment réinventer les marques (génériques), particulièrement celle du Lait?

ND: Je ne le répèterai jamais assez: c’est un travail d’équipe, même si c’est moi qui aie rayonné à travers tout cela. J’adore la création et le travail d’équipe. Je voulais constamment que les gens se surpassent. Je remettais toujours en question le fait d’être vraiment allés jusqu’au bout du concept. Je crois que c’est ce qui a fait la différence. Puis, il faut toujours se réinventer. Même si un concept fonctionne bien, il faut savoir tirer sa révérence en lançant un nouveau concept.

Je suis fière des publicités qu’on a créées entourant ces marques génériques. La publicité, ça peut être de l’art et de la culture si c’est bien exécuté. Combien d’artistes au Québec vivent de la publicité? Je suis fière du fait que la carrière de plusieurs comédiens québécois ait pris son envol grâce aux publicités du Lait.

GAN: À vos yeux, le marketing a-t-il évolué ces 30 dernières années?

ND: Je trouve que les défis ont beaucoup évolué au fil du temps. Aujourd’hui, le plus grand défi est le numérique. Aux Producteurs, le numérique compte pour 30% de notre budget de campagne. Cela dit, on se doit d’être innovateur au sujet du numérique; je trouve qu’on n’est pas assez créatif en général. Il faut toujours travailler différemment, changer notre approche, s’adapter.

GAN: Que donneriez-vous comme conseils à Julie Gélinas, qui aura de grands souliers à chausser en vous remplaçant?

ND: De se faire confiance, de garder sa personnalité. Elle ne peut rien seule, elle doit savoir bien s’entourer. Au niveau des compétences, je suis convaincue qu’il s’agit de la bonne personne.

GAN: Pensez-vous que votre règne se fera encore sentir après votre départ des Producteurs laitiers du Québec?

ND: Je laisse un héritage. Il est officiel que les campagnes qui suivront dans les premiers mois de 2015 seront la suite de ce que j’ai fait. Maintenant, en cours d’année, Julie Gélinas sera libre de tout changer: la stratégie, le slogan; elle peut TOUT changer.

GAN: Qu’est-ce que l’on vous souhaite pour la suite des choses?

ND: De réaliser mes rêves, tout simplement. J’ai des choses à accomplir et j’espère avoir la chance de les réaliser.