Dans le cadre de la Semaine de la famille, du 12 au 18 mai 2014, le Réseau pour un Québec Famille, un regroupement de 18 organismes nationaux oeuvrant auprès du grand public en faveur de la famille, a initié un sondage cherchant à mieux comprendre les enjeux actuels de la conciliation travail-famille au Québec.

Le sondage, financé par Naître et Grandir, a été mené par Léger sur le web. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Il semble que le double rôle de parent et d'employé présente encore aujourd'hui des défis pour lesquels les solutions demeurent trop peu accessibles.

Denis Chênevert, professeur titulaire, docteur en sciences de la gestion, directeur du département de la Gestion des Ressources Humaines du HEC et lauréat du Best Paper Award de l'Academy of Management s’avère surpris qu'en 2014, 67% des travailleurs ne perçoivent pas d'efforts de la compagnie où ils travaillent pour faciliter la conciliation travail-vie privée. Des initiatives managériales de conciliation travail-famille doivent faire preuve de flexibilité et de rigueur. Il explique:

«La surcharge de travail en entreprise et les conflits de rôles [parent employé] réduisent leur capacité à gérer les priorités. Pour les gestionnaires, au-delà des politiques établies, il y a des actions à prendre dans la façon de structurer le travail. La problématique ne se pose pas uniquement sur la quantité de travail, mais aussi sur l'ambiguïté des tâches à exécuter. Les employés se sentent surchargés par l'incapacité à reconnaître quelles sont les priorités. On dénote de nombreux problèmes de santé mentale, de stress, d'épuisement, et de troubles psychosomatiques y étant reliés. C'est pratiquement là un des fléaux de notre époque et les coûts y étant associés sont faramineux en terme d'assurance.»

Marianne Roberge, présidente de l’organisme KOEVÄ, spécialisé en conciliation travail-famille, fait part de ses réflexions sur les résultats du sondage. Selon ce dernier, 74% des pères et 66% des mères confirment une flexibilité de la part de leur employeur envers leurs responsabilités familiales. Dans cet ordre d’idée, Mme Roberge fait lumière sur la situation des congés parentaux:

«Malgré l'implantation de nouvelles pratiques et de nouveaux standards, l'industrie des relations humaines présente encore à l’occasion des philosophies qui sont en complète contradiction avec la conciliation travail-famille. Il arrive encore aujourd'hui que, lors du recrutement et de la dotation, des profils de femmes soient mis de côté pour éviter de gérer les congés de maternité et les remplacements. On a même reporté les pratiques de certains employeurs à ‘’engager des femmes qui ne tomberont pas enceinte’’. Il est complètement faux qu'une mère sera moins impliquée et intéressée à faire son travail. Parallèlement, il y a une nouvelle réalité à gérer: les congés de paternité. Si certains employeurs ne voient pas d'inconvénients à accorder les congés de maternité sur plusieurs mois, il en va tout autrement pour des congés d'une durée de 5 semaines, pour lesquels le remplacement s'avère beaucoup plus problématique. La structure en entreprise n'est pas encore adaptée à cette nouvelle réalité et incite à minimiser l'importance de ce type de congé, tant chez l'employeur que l'employé. Pour ces raisons, plusieurs pères ne profitent pas encore en totalité ou en partie de leur droit au congé de paternité. Il est tabou dans certains milieux que le père ait un intérêt à s’impliquer auprès de sa famille.»

Pour sa part, la docteure Diane-Gabrielle Tremblay, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les enjeux socio-organisationnels de l’économie du savoir et directrice de l’Alliance de recherche université-communauté sur la gestion des âges et des temps sociaux, affirme que l’apparition d’une réglementation sur les congés de paternité a pourtant beaucoup fait évoluer la situation.

«Suite à des recherches et des entrevues, nous avons constaté qu’environ 80% des pères prennent leur congé de paternité. Le travailleur masculin est aujourd’hui beaucoup plus considéré en tant que père qu’auparavant, ce qui améliore hautement la conciliation travail-famille.»

Elle ne cache pas sa surprise quant au si faible nombre de répondants ayant mentionné avoir une politique établie de conciliation travail-famille dans l’entreprise où ils travaillent.

«Selon des données canadiennes, les personnes chez qui le soutien pour pallier aux problématiques de conciliation travail-famille serait le plus nécessaire ne travaillent majoritairement pas dans les milieux qui offrent des politiques adéquates à cet égard. Dans les résultats du sondage, on remarque que ce sont les pères de familles unies qui semblent le plus en bénéficier. Il y a inévitablement un défi de développer une offre plus généralisée.»

Suite à l’obtention des premiers résultats, le Réseau pour un Québec Famille a mandaté Léger pour conduire un deuxième sondage dans le but d’approfondir la compréhension de certains paradigmes, notamment le statut des parents, à savoir s’ils sont en couple ou séparés. A priori, il semblerait que les parents séparés aient une plus grande facilité à concilier travail et famille. S'agit-il d'une piste de solution malgré le dédoublement des responsabilités?

Les résultats des sondages seront disponibles sur quebecfamille.org dès le 12 mai 2014.