Crédit photo : Donald Robitaille

Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, alouette… on en oublie presque que dans un passé pas si lointain, le lien le plus direct entre une entreprise et sa clientèle prenait la forme d’une ligne téléphonique 1-800.

Les médias sociaux sont vite devenus un outil d’analyse permettant de cibler sa clientèle avec la précision d’un archer, en plus de s’ériger en haut-tremplin pour les pirouettes marketing. La présence d’une entreprise sur les réseaux sociaux n’est plus une question, elle va de soi. La gestion de ceux-ci a toutefois tardé à se professionnaliser.

Il y a huit ans, Daniel Forman et Jack Elias cherchaient à sous-traiter la prise en charge des médias sociaux de leur entreprise montréalaise, en vain. Comme la nature a horreur du vide, de ce manque est née Ensuite Media, une agence qui se consacre à soustraire aux entreprises la charge de leurs communications virtuelles. Ensuite Media compte à présent des clients aussi importants que Remax, Ford, CIBC et Evenko.

La gestion professionnelle des médias sociaux s’est néanmoins heurtée à plusieurs réticences chez les plus petits joueurs. La convivialité desdits médias y est pour beaucoup : quel intérêt a-t-on à payer pour quelque chose que, par milliards, les utilisateurs sont capables de gérer seuls du bout des doigts?

L’intérêt? Il est dans… l’intérêt!

« Je dis souvent à mes clients que leur plus grand concurrent, c’est pas telle ou telle compagnie qui œuvre dans le même secteur, c’est la famille et les amis de leurs clients potentiels sur les réseaux sociaux », mentionne Daniel Forman, cofondateur d’Ensuite Media.

Les plateformes sociales sont devenues le marché mondial de l’attention. Les « consommateurs » sont d’abord en quête d’émotions, mais paradoxalement détachés dans leur consommation, parcourant leur fil en mode « recherche » pour garder la cadence avec l’influx de contenu. Les médias sociaux propulsent les succès probants et les échecs grinçants et condamnent tout le reste au vaste cimetière de l’indifférence.

Le défi n’est pas seulement d’occuper une part de l’attention papillonnante des consommateurs, mais de traduire l’attention en « likes de qualité », soit des likes qui ont une valeur d’affaires. Il est peu probable, par exemple, qu’un restaurant montréalais traduise les likes d’internautes étrangers en ventes.

C’est là qu’entrent en jeu les économistes du like, avec le mandat d’en augmenter et d’en optimiser l’obtention. Deux choix s’offrent aux entreprises qui veulent greffer une composante stratégique à leurs médias sociaux : la gestion à l’interne ou à l’externe. L’une consiste à employer – principalement à la pige – des gestionnaires de médias sociaux; l’autre, à avoir recours aux services d’agences qui en emploient.

Daniel Forman a vu décroître le scepticisme depuis le lancement d’Ensuite Media : « On sent que les clients en comprennent maintenant la valeur. Le premier dollar dépensé aujourd’hui par les entreprises est souvent sur les médias sociaux. »

La gestion à l’interne se fait souvent à coût moindre. La plus-value non négligeable de la sous-traitance est la paix d’esprit qu’elle permet. En cas de départ de gestionnaires, le fardeau de l’embauche, de la formation et de la continuité ne pèse pas sur l’entreprise.

D’une façon ou d’une autre, on peut atteindre les mêmes résultats à condition que les personnes mandatées s’imprègnent bien de la personnalité de la marque qu’elles incarnent. Le propre des réseaux sociaux, c’est ce lien de proximité sans précédant, qui transforme les marques en personnages dans l’univers virtuel des consommateurs.

Pour bien en saisir l’essence, Ensuite Media soumet chaque entreprise à un questionnaire exhaustif. L’information recueillie est ensuite traitée à l’aide d’un logiciel pour dresser un portrait démographique. En fonction des buts de l’entreprise et en étroite collaboration avec cette dernière, l’agence développe et met ensuite en œuvre une stratégie. Un suivi en temps réel et des rapports mensuels en ligne sont offerts aux clients de l’agence, ainsi que des recommandations.

Attestation de l’importance croissante des communications socionumériques, plusieurs universités québécoises offrent désormais des cours de stratégie et de gestion de médias sociaux. Cette professionnalisation aura pour effet d’instaurer de meilleures pratiques et des meilleures techniques de gestion de crise.

Et s’il est un endroit où un faux pas prend vite l’ampleur d’un déraillement de train, c’est bien les médias sociaux. Coca-Cola l’a appris à ses dépens : dans une publication en ligne souhaitant la bonne année 2016 à ses clients, la compagnie a reproduit une carte géographique désuète de la Russie en omettant l’annexion de la Crimée.

L’erreur a soulevé la grogne sur le réseau social VK, les internautes partageant des images de Coke versé dans les toilettes avec le mot-clic #BanCocaCola. La compagnie a vite rectifié le tir… s’attirant ainsi les foudres de l’Ukraine, qui revendique aussi le territoire de la Crimée.

Dans le grand ordre des choses, on peut donc affirmer que les économistes du like ne sont pas que ça; ils font parfois la différence entre de candides souhaits de bonne année et une prise de position involontaire dans un conflit politique interétatique!

Cet article a été publié dans le Grenier magazine, volume 03, numéro 03.