Les attachés de presse politiques ont rivalisé d’imagination ces dernières semaines pour faire briller leur candidat sous les projecteurs. Dans la métropole, l'équipe de la nouvelle mairesse Valérie Plante avait la double tache de faire découvrir un visage encore méconnu aux Montréalais en plus d’affronter l’équipe bien rodée d’un politicien d’expérience. Petite incursion dans l’univers des créateurs d’images politiques (et retour sur l’histoire cendrillon d’une campagne riche en rebondissements) en compagnie de Marc-André Viau, attaché de presse de Projet Montréal.

Marc-André Viau
Attaché de presse, Projet Montréal

Le 25 octobre dernier, un sondage Léger mené pour le compte de Projet Montréal atterrissait avec fracas dans l’espace médiatique : le maire sortant, Denis Coderre, et la cheffe du parti d’opposition, Valérie Plante, se retrouvaient pour la toute première fois au coude-à-coude dans les intentions de vote des Montréalais avec 38% chacun. Un scénario que la plupart des observateurs politiques auraient qualifié de « science-fiction » s'il eût été évoqué à peine quelques mois plus tôt. « Pas pour nous, tranche au bout du fil Marc-André Viau. Personne ici n’est tombé en bas de sa chaise face à la montée de la popularité de Valérie. De l’extérieur, on pourrait croire qu’il s’agit d’une belle histoire, d’un « parcours cendrillon » comme vous le dites : mais il n’en est rien. Rien n’a été laissé au hasard, tout a été stratégiquement calculé. »

FAIRE SA MARQUE

Rejoint sur son portable à une semaine du scrutin, Marc-André Viau martèle que sa cheffe se retrouve exactement là où lui et son équipe de communication la voyait depuis le jour 1 de la campagne. « Nous savions que nous avions un beau défi devant nous, avoue-t-il. Non seulement Valérie était à ce moment une jeune politicienne encore peu connue du grand public, mais aussi devions-nous affronter une bête politique très expérimentée en la personne de Denis Coderre. Mais la commande était claire : faire découvrir Valérie aux Montréalais en tablant sur sa marque de commerce, sur son branding. Pour moi, la stratégie de communication s’est amorcée le jour où je l’ai rencontrée pour la première fois, en janvier dernier : il fallait miser sur son authenticité. Au fil de nos discussions, elle ne cessait de me parler de sa préoccupation des gens, de la réalité des habitants de la métropole et des tâches auxquelles il fallait s’atteler. Elle s’exprimait avec passion et sincérité. Il y a quelque chose de porteur là-dedans, de séduisant – et Valérie l’a incarné parfaitement tout au long de sa campagne. »

UNE CAMPAGNE EN TROIS PHASES

Une approche qui a manifestement trouvé écho chez les électeurs. « Valérie a le discours d’une mère de famille empathique, sensible et forte à la fois ; mais celui aussi d’une leader qui a les deux pieds ancrés dans la réalité et qui veut trouver des solutions. C’est ça qu’il fallait mettre de l’avant : c’était ça, la marque Valérie Plante. Notre stratégie pour la déployer s’est faite en trois phases. Notre plan était de commencer notre campagne plus tôt que nos adversaires, dès le mois d’août. Nous avons réussi à occuper une place soutenue dans les médias en y allant d’annonces quotidiennes : nous nommions les problèmes et nous identifiions des résolutions. C’était notre façon de montrer d’entrée de jeu nos couleurs aux électeurs. Nous sommes par la suite entrés dans une phase plus intensive avec des points de presse inopinés dans lesquels Valérie était à même de réagir à l’actualité, sur le terrain même. Notre campagne s’est par la suite conclue avec une phase rythmée par les grandes entrevues et les débats. Cette progression en trois étapes nous a permis de faire connaître les idées de notre cheffe tout autant que la politicienne. »

JOURNÉE TYPE

Et à quoi ressemble un 24 heures dans la vie d’un attaché de presse lors d’une course à la mairie ? « C’est difficile d’y répondre car les journées sont toujours extrêmement différentes les unes des autres, poursuit Marc-André Viau. Cela dit, elles débutent systématiquement vers les six heures du matin, alors que je prends connaissance des nouvelles du matin et des messages qui auraient pu m’être acheminés pendant la nuit. Vers sept heures, j’ai habituellement mes premiers échanges de messages textes avec Valérie. On identifie les sujets que les médias souhaiteront aborder avec nous en point de presse et on récapitule les annonces prévues pour la journée. Nous gardons aussi un œil bien ouvert sur ce que nos opposants font et disent. Il faut assurer une vigie. » Est-il profitable de tirer profit des faux pas de l’adversaire ? « On ne compte jamais là-dessus pour marquer des points, admet-t-il, mais nous en prenons note. Nous connaissons ses faiblesses. Nous avons misé sur la rupture de ton qu’il y a entre Denis, un vieux politicien, et le vent de fraicheur qu’amène Valérie. Il y avait là une image forte sur laquelle nous avons joué dans nos communications. »

TROUVER LA BRÈCHE

Mais Marc-André reste néanmoins réaliste lorsqu’il aborde le sujet de l’image en politique. « Le contenu primera heureusement toujours sur le contenant, poursuit-il. Sans une personnalité du calibre de Valérie, notre stratégie ne vaut rien. Nous savions très bien que nous débutions cette course en deuxième position. Nous connaissions aussi l’attrait que la personnalité forte du maire Coderre pouvait avoir sur l’électorat. Mais nous savions aussi que ce dernier avait remporté la dernière élection avec 32% seulement des voix. C’est la brèche dans laquelle nous nous sommes infiltrés. N’oublions pas non plus que Valérie avait déjà accompli de grandes choses en politique en défaisant Louise Harel en 2013 au poste de conseillère de district – en plus de remporter, bien sûr, l’investiture de Projet Montréal l’automne dernier. Avec une candidate de sa stature, tout devient possible. Aussi nous demande-t-on si la montée dans les sondages de Valérie nous a amené à modifier notre stratégie médiatique. La réponse, c’est non. Pourquoi ? Parce que c’était exactement ça, notre stratégie, d’être au sommet des sondages. Alors qu’importe le résultat de l’élection, nous aurons réussi à faire découvrir une nouvelle leader aux Montréalais. »

Cet article a été publié dans le Grenier magazine (Vol. 3 - Numéro 06 - 06 novembre 2017).