Cet article a été publié dans le Grenier magazine (Vol. 2 - Numéro 38 - 19 juin 2017).

Alors que la 64e édition du Festival international de la créativité de Cannes bat son plein, on pique une pointe de conversation avec un de nos deux publicitaires québécois siégeant sur le jury du prestigieux concours, Luc Du Sault de l’agence lg2.

Luc Du Sault, Associé, vice-président création, lg2

Salut Luc, heureux de te croiser virtuellement sur la Croisette. Qu’est-ce que ça te fait d’être sur le jury de Cannes ?

Luc : C’est un grand privilège, je suis tout énervé ! Je m’estime très chanceux d’en faire partie et j’espère bien représenter le Canada. C’est une grande responsabilité et beaucoup de travail aussi !

Je comprends ! 5 000 films, ça en fait du spot à visionner, ça ! Surtout dans un contexte où le nombre de juges a substantiellement diminué cette année. Tu t’en sors comment ?

Luc : En fait, je juge les pièces depuis le 21 avril. C’est extraordinaire de voir autant de bonnes idées et de bons films ! Mais quel travail de moine ! Dans mes quarante catégories, j’en ai même une avec une trentaine de films d’une heure et demie, tu imagines !

Le festival ayant changé son nom de festival de la publicité pour celui de festival de la créativité, la catégorie Films sur laquelle tu sièges est-elle encore importante ?

Luc : Oui, elle demeure une des catégories les plus importantes de Cannes ; une histoire qui touche aura toujours un très grand pouvoir. Mais tout s’est en effet élargi. Cette année, la grande tendance sera sûrement l’intelligence artificielle. La créativité s’appliquant maintenant à tellement de dimensions que je ne serais pas surpris d’y voir l’an prochain la catégorie Comptabilité ! (RIRES)

Tu as déjà été sur le jury du One Show et des Clios. Cannes, c’est différent ?

Luc : Totalement. Pour les One Show et Clio, on jugeait en ligne, donc pas vraiment d’interaction avec les autres juges. À Cannes, ça se fait à main levée. La dynamique entre les juges est donc toute autre. Pas étonnant de voir certains pays créer des alliances.

Ton papa avait sa propre agence, tu es donc tombé dans la pub quand tu étais petit. Depuis, tu as gagné des tonnes de prix. Qu’est-ce qui distingue les gagnants des perdants ?

Luc : Ça prend d’abord et avant tout une idée, peu importe la catégorie. Même en DataCreative, ça prend une idée. Une idée simple, pertinente et nouvelle. Ça prend également une exécution impeccable. Et si l’idée répond à un problème humanitaire, des points en extra !

Ton plan de match ?

Luc : Choisir mes batailles. Il y a des pièces qui ne monteront pas, on le sait à l’avance, donc pas la peine de mordre trop tôt. Les juges qui parlent tout le temps finissent toujours par perdre de leur impact au fur et à mesure que les jours avancent. Moi, je prends des notes et je vais garder ma salive pour le moment où ça compte vraiment. À la fin ;)

C’est encore important les concours ?

Luc : Très. Comme ils nous permettent de nous frotter aux meilleurs, ils haussent la barre et motivent les agences à se dépasser. Et contrairement à ce que j’entends parfois, il existe une corrélation directe entre les prix et les résultats. C’est prouvé, les études démontrent qu’une pièce ou une campagne qui gagne des prix dans les concours majeurs génère de meilleurs résultats pour les clients. Par exemple, ici à Cannes, une pièce qui gagne performe 13 fois plus qu’une pièce qui ne gagne pas. C’est énorme !

L’excellent The Case for Creativity de James Hurman le démontre en effet noir sur blanc. L’A2C devrait en offrir une copie à tous les clients du Québec ! (RIRES) Parlant du Québec, après t’être tapé 5 000 films, comment se porte la créativité ici ? De 0 à 10 ?

Luc : 0 et 10. (RIRES) On n’est ni meilleur ni pire qu’ailleurs. Dans la longue liste, on retrouve énormément de trucs très ordinaires, on n’a pas à rougir. Mais il y a place à l’amélioration. On doit rehausser nos standards. Poursuivre le travail après avoir trouvé une idée qui « fonctionne ».

On pointe souvent du doigt les budgets décroissants pour justifier une création « moins créative ». Tu achètes ça, toi ?

Luc : Non. C’est seulement une question de travail de notre part et une question de confiance de la part de nos clients. Tu sais ? Il ne faut jamais oublier que ça ne prend qu’une seule grande idée endossée par un client pour se démarquer. Il n’y a donc aucune raison pour qu’une agence québécoise ne puisse gagner un grand prix à Cannes. Je prédis même que ça va arriver.

Qui ?

Luc : Gotta go, Norm. Mon jury m’appelle !

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