La jeunesse éternelle, Graal moderne des boites de com ? Après le traitement antirides de la pub qui l’a transformé en communication créative, le marketing direct y est allé à son tour d’un petit swing de fard à joues en devenant relationnel. Botox marketing ou évolution véritable ? On en jase, directement, avec Mark Morin.

Mark Morin, Président, Stratégies Marketing Relationnel

Mark, c’est quoi cette mode de changer l’appellation de sa discipline ? Ces nouveaux habits cachent-ils toujours le même moine, ou le moine est-il véritablement devenu autre chose ?

Mark : Dans le cas du rejet de l’appellation « marketing direct », je te dirais que le phénomène est restreint au Québec. Ici, le nom semble négativement associé à une sous-catégorie vieillotte de la communication. Une communication intrinsèquement bavarde voire criarde, arrangeuse, vendeuse à outrance. En entendant « marketing direct », les gens pensent automatiquement au télémarketing et autres sweepstakes postaux.

Alors que technologie aidant, elle fraie déjà depuis un bon moment dans le numérique, notamment via des campagnes de courriel connectées sur des données multicanales.

Mark : La technologie nous a donné effectivement un petit kick de ce côté. Mais il serait faux de croire que toutes les campagnes courriel sont relationnelles et qu’une campagne postale ne l’est pas. La nature de la relation réside plus dans l’approche que dans le support; une campagne postale peut être hautement relationnelle. Et une campagne courriel, pas du tout.

Mais on a tout pour personnaliser nos messages, non ?

Mark : Et pourtant... En 2016, il s’est envoyé 240 milliards de courriels par jour. C’est 64 milliards de plus que l’année précédente. Le problème, c’est que 70 % de ces courriels sont considérés comme du spam. Tu ne connais pas l’expéditeur, tu ne connais pas (ni n’as besoin) du produit annoncé, bref le contenu n’est pas pertinent.

Tu parles de tous ces oncles sénégalais qui nous ont légué tour à tour leur fortune ou d’annonceurs honnêtes ?

Mark : Ben non, c’est ça le drame ! Je te parle d’entreprises légitimes, de véritables annonceurs d’ici et d’ailleurs qui plutôt que de profiter des puissantes possibilités de segmentation et d’automatisation des plateformes modernes, se contentent d’envoyer le même message à tout le monde.

Et souvent avec des banques de noms louées.

Mark : En effet. Très marketing direct, dans le sens push du terme comme approche : on s’obstine à pousser le produit dans le fond de la gorge d’un éventuel client. Ou pire, de nos propres clients !

Alors que le principe sous-jacent du marketing relationnel est de mettre son propre consommateur au cœur même de la communication. Car après tout, le relationnel débute réellement une fois qu’un consommateur se joint à notre écosystème. Alors, pourquoi spammer un client qu’on connait déjà avec des offres répétitives et impersonnelles ?

Mark : Le problème est à deux niveaux. Dans un premier temps, l’annonceur se trempe les orteils dans le « relationnel ». Soit il utilise une solution d’entrée à la MailChimp, soit il loue une plateforme costaude dont il n’utilisera que 10 % des fonctionnalités ou il fait affaire avec des généralistes qui n’ont ni l’expertise ni le relationnel dans leur ADN. Triste corolaire, déçu des résultats, il mettra un X sur le « relationnel ».

Et dommage collatéral, plusieurs de ses consommateurs se seront probablement désabonnés, lui faisant perdre ainsi des milliers et des milliers de dollars.

Mark : La réalité, c’est que les clients n’ont pas pris le temps de comprendre le rôle que peut (doit ?) jouer le relationnel dans leurs entre prises.

Comment faire évoluer leur modèle d’affaires, créer un impact positif sur la valeur individuelle de chacun de leurs clients, et donc un impact sur le bottom line tout court ? Vendre un produit ou un service une fois, c’est une chose. Mais prolonger cette relation commerciale, la raffiner dans le temps de par la pertinence accrue du message et de l’offre, ça vaut de l’or.

Intelligence artificielle, analyse prédictive, automatisation, j’imagine que ces nouveaux outils facilitent la personnalisation des messages, non ?

Mark : Au bureau, nous sommes neuf personnes. Même en ajoutant la douzaine de collaborateurs occasionnels, on ne pourrait pas accomplir à la main ce que l’on fait avec des clients tels que Station Tremblant, Xerox et Postes Canada. Mais parce que nous sommes une des rares boites à faire de l’automatisation au Québec — grâce à des outils de pointe tels que IBM Watson Campaign Automation — ça nous permet d’avoir des messages beaucoup plus adaptés que ce l’on voit dans le marché.

Donc plus qu’une histoire d’un soir, une relation qui dure et perdure. Ils se marièrent et eurent beaucoup d’argent ! (RIRES)

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Cet article a été publié dans le Grenier magazine (Vol. 2 — Numéro 24 - 06 mars 2017).