On dit de la communication qu’elle est la clé des relations durables et c’est aussi vrai en amour qu’en affaires. Depuis les années 80, suivant les progrès en communication et la multiplication de l’offre, les entreprises à travers le monde s’intéressent de plus en plus à la façon de bâtir et d’entretenir une relation de confiance avec leur clientèle. L’Association de marketing relationnel (AMR) accompagne depuis 30 ans les entreprises québécoises qui se penchent sur la question encore floue de la relation client.

Marc Roussin, Président du conseil d’administration de l’AMR

Une relation à long terme

On oppose souvent le marketing relationnel à celui dit transactionnel, plus direct, plus éphémère, ayant pour objectif de déclencher une vente. Le marketing relationnel cible et courtise, pour sa part, la clientèle pour établir un lien privilégié et durable.

La segmentation des marchés, soit cibler sa clientèle en se basant sur ce qu’on sait d’elle, se fait depuis 40 ans au Québec. On le faisait jadis par code postal, présumant que des personnes d’un même voisinage devaient forcément partager des intérêts ou des besoins. La poste, le téléphone et le courriel ont tour à tour simplifié et multiplié les communications et, par ricochet, permis une segmentation de plus en plus efficace. « Il s’agit de créer une synergie entre les différents points de contact », explique Marc Roussin, président du conseil d’administration de l’AMR.

L’arrivée des réseaux sociaux a toutefois changé les règles du jeu. « Aujourd’hui, observe M. Roussin, la segmentation est réduite à l’échelle individuelle ». Le défi est colossal : il ne s’agit plus d’entretenir une relation avec sa clientèle, mais avec chacun de ses clients individuellement.

Être à l’écoute

Ne pas sous-estimer ce conseil qui semble tout droit sorti d’une conférence donnée par un(e) coach de vie. Les entreprises dépensent des fortunes, « parfois des dix, vingt millions de dollars », sur l’achat et l’implantation de logiciels CRM (client relations management) pour faire la collecte de données sur leurs clients.

Dans le commerce au détail, il est notablement plus difficile d’obtenir des informations sur l’acheteur — contrairement par exemple à une banque, à qui le client fournit systématiquement des informations personnelles pour obtenir un service. En réponse à cette problématique ont émergé dans les dernières années les programmes de fidélité ; on peut penser, entre autres, à Métro & moi ou encore à la carte Inspire de la SAQ.

En compilant des données sur les préfé- rences et habitudes de chaque client individuellement, les entreprises peuvent plus efficacement lui communiquer du contenu qui l’intéresse. Le hic, se désole M. Roussin, c’est qu’encore trop nombreuses sont les entreprises qui font de la collecte de données à grande échelle n’ont aucune idée comment en faire un usage optimal.

Collaborer

Un des faux pas les plus communs au sein des entreprises ayant un logiciel CRM, selon M. Roussin, est le manque de collaboration entre le département de technologie et celui de marketing. Les uns cueillent et compilent des données, mais les autres ne les consultent pas ou ne savent pas comment les utiliser pour créer des contenus qui intéressent les gens. N’observant pas de résultats concrets suite à l’implantation d’un CRM, les entreprises concluent que le logiciel est défaillant.

Or, le marketing relationnel n’est pas un logiciel, c’est une stratégie d’entreprise. Le mythe veut qu’un programme CRM est né — cessairement très coûteux et qu’il fournit une analyse claire du marché. « N’importe qui peut acheter un [logiciel] CRM, soutient M. Roussin. C’est ce qu’on fait des informations qu’on en tire qui change tout. »

35 ans d’expérience dans le domaine n’ont fait que nourrir son optimisme ; il soutient qu’avec une réelle volonté et une méthodologie, toute entreprise peut implanter une meilleure stratégie de marketing relationnel sans se ruiner. La première étape est de surmonter la réticence au changement.

Prioriser les interactions positives

Avec la multiplication et la fréquence des interactions augmente aussi l’irritation. Chaque fois qu’un nouveau médium d’interaction est pris d’assaut par le marketing, des mesures sont requises pour protéger les consommateurs des abus. Par exemple, la liste nationale des numéros exclus (no call list), qui interdit aux compagnies de télécommunications de contacter les souscrits, sous peine de lourdes amendes. Ou encore à la loi C-28 qui régit les pourriels (ou spam mail).

M. Roussin se réjouit de voir plus de régulation dans le milieu du marketing relationnel : « On accueille toujours favorablement des mesures qui permettent d’améliorer la qualité des communications ». Le 11 avril prochain au Sommet du marketing relationnel, l’AMR s’assurera que ses 300 membres sont au fait des nouvelles règles de l’industrie et qu’ils renforcent de bonnes pratiques au sein de leurs entreprises.

Célébrer les succès

Les bonnes pratiques, l’AMR ne fait pas que les encourager, elle les récompense. Le gala Flèches d’or célèbre annuellement, depuis 25 ans, les meilleures campagnes de marketing relationnel au Québec ainsi que leurs artisans.

Cette année, en grande primeur, l’AMR annonce un partenariat avec CROP pour l’élaboration et la tenue d’un sondage qui prendra le pouls de la population en termes de relation client. La voix du consommateur interrogera 800 personnes sur leur relation avec les entreprises de cinq secteurs : bancaire, télécommunications, assurances, détail et commerce électronique. « Les résultats pourraient nous surprendre », prévient M. Roussin.

Jadis approximatif, le marketing relationnel est de plus en plus rigoureux. « Les universités devraient entendre l’appel, prévient M. Roussin, c’est une discipline qui gagne du terrain. » À ce rythme — qui sait ! — peut — être qu’un jour, comme un vieux couple, la marque et le client communiqueront sans dire un mot.

Cet article a été publié dans le Grenier Magazine (Vol. 2 — Numéro 24 - 06 mars 2017).