On annonce sa fin depuis les années 80 et pourtant, contre vents et marées, le grand écran demeure un pilier dans l’industrie du divertissement. Exploitant 78% des salles de cinéma au pays, Cineplex ne cache pas que les récentes années l’ont mise au défi. De ses bureaux de Toronto, où elle est cotée en bourse, Cineplex met les bouchées doubles d’une frontière à l’autre pour se réinventer.

Daniel Séguin, Vice-président à l’exploitation pour l’est du Canada, Cineplex

« Le passage du 35 mm au numérique a été un point tournant pour l’industrie » affirme Daniel Séguin, vice-président à l’exploitation pour l’est du Canada. En plus de simplifier la diffusion, de limiter les défaillances et d’offrir une qualité de loin supérieure, l’avènement du numérique a lancé la campagne d’actualisation des salles de cinéma.

Cineplex 2.0

Pour M. Séguin, « une salle de cinéma, c’est la locomotive de l’industrie ». Sièges plus spacieux et confortables, parfois inclinables, expérience IMAX, qualité sonore supérieure, sections VIP; Cineplex n’a rien laissé rien au hasard. La succursale de Brossard est même réservée aux 18 ans et plus puisqu’on y offre une expérience VIP et des boissons alcoolisées.

Certaines succursales permettent de réserver sa place en ligne ou de se faire servir grignotines et boissons directement à son siège. Le très populaire programme de fidélité Scène, en collaboration avec la Banque Scotia, fait également partie des succès récents de Cineplex avec ses 8 millions de membres.

Réinventer l’expérience cinématographique

Fréquenter les cinémas est une activité plus nichée qu’autrefois et les cinéphiles exigent qu’elle dépasse la simple projection et prenne les traits de l’évènementiel. « Ce qui attire les gens vers une salle de cinéma, explique Dave Cameron, directeur des comptes, ne peut pas être remplacé par Netflix. De la même façon qu’un repas cuisiné maison, même s’il est très bon, ne remplace pas l’expérience qu’offre un restaurant. »

« Expérience » est d’ailleurs le mot d’ordre de la stratégie Cineplex. D’abord parce qu’elle en cumule une de plus d’un siècle dans ce domaine, mais surtout parce que l’entreprise a su conjuguer expérience sensorielle et communautaire. Pour les annonceurs, joueurs importants dans l’industrie, le cinéma est un moyen de rejoindre un public captif et d’habiter non seulement un espace, mais un imaginaire commun enveloppé dans une fébrilité propre aux salles de cinéma.

Diversifier le modèle d’affaires

Fait peu connu, Cineplex s’est lancé dans les mixed medias, diversifiant ainsi ses champs d’exploitation. La compagnie fait de l’affichage numérique dans moult restaurants et cafés ainsi que dans plusieurs chaines de centres commerciaux. Également copropriétaire de World Gaming, Cineplex s’est lancé dans la création de Wreck rooms, qui invitent des mordus de jeux vidéo à s’affronter sur écran cinématographique.

La diversification permet à l’exploitant de salles de solidifier sa marque tout en investissant dans l’expérience cinématographique. C’est certes un pari risqué à l’heure où les exploitants de salles de cinéma peinent à garder la tête hors de l’eau, mais avec plus de 20 millions d’entrées en 2015, difficile de nier l’efficacité de l’approche.

Créer des rendez-vous à l’ère du divertissement individuel

« Il y a trente ans, relate Daniel Séguin, un film pouvait rester en salles plusieurs mois »; chose désormais inconcevable, étant donné la fulgurance des parutions de films. Chaque semaine, les exploitants de salles et les diffuseurs font le choix de ce qui sera présenté et à quel endroit.

Le nombre limité de salles et les films présentés dans leur langue originale et en version doublée – bilinguisme oblige – sont un défi de tous les instants. Loin d’être uniformes, les cinémas évoluent selon leur emplacement et le public qu’ils desservent. La succursale du Quartier Latin, plus francophone et vitrine du cinéma francophone, n’offre pas la même programmation que celle du Forum, plus touristique, anglophone et axée sur le cinéma international. Personnaliser son offre fait partie de la stratégie Cineplex.

En 2017, se réjouit M. Séguin, le cinéma québécois sera à l’honneur avec la sortie de gros titres comme Ça sent la coupe ou encore les suites de Bon cop, bad cop et De père en flic. Vitrine sur le cinéma d’ici et d’ailleurs, Cineplex ne se laisse pas intimider par la popularité des écrans individuels. Au contraire, alors que chacun fait défiler sans cesse et sans grand enthousiasme le contenu intarissable qu’on lui propose, Cineplex a l’audace de créer des rendez-vous et des expériences communes de qualité.