La télévision n’a pas de secret pour Denis Dubois; il y œuvre depuis plus de 20 ans. Longtemps dans la programmation jeunesse, il a fait le saut vers le poste de Directeur général des programmes chez Télé-Québec il y a deux ans. Sa passion et son audace ont vite fait d’insuffler un nouvel élan à la société d’État, qui a battu des records de cotes d’écoute pendant le temps des Fêtes.

Denis Dubois, Directeur général des programmes chez Télé-Québec

« C’est d’abord et avant tout un travail d’équipe », insiste M. Dubois. À son arrivée en poste, sa priorité a été d’assoir un positionnement pour la chaîne et de bien communiquer sa vision à ses nouveaux collègues. Télé-Québec, théâtre de succès intemporels comme les Francs-Tireurs ou encore Belle et Bum, a toujours su conjuguer pertinence et divertissement. Pour le nouveau directeur des programmes, le défi est de traduire cette force en nouveau contenu qui soit bien ciblé.

Une stratégie qui ratisse large

Ça n’a rien d’un secret : l’avènement du numérique a changé la façon dont se consomme la télévision. Le revenu publicitaire a également migré partiellement vers le Web, contraignant les diffuseurs à développer leur marque en ligne pour survivre sur le petit écran.

Néanmoins, Denis Dubois est convaincu qu’on n’a pas la bonne approche : « Il ne faut pas produire pour une plateforme, mais pour une cible. » Il faut aller chercher les publics là où ils sont, croit-il, avec du contenu qui les interpelle et des thèmes rassembleurs. Il ajoute qu’on gagnerait beaucoup à financer le contenu plutôt que la plateforme.

Alors que le budget de la chaîne d’État a été sabré de 2,4 millions l’année d’entrée en poste de son nouveau directeur des programmes, et malgré que la publicité y occupe moins d’espace que sur les chaînes privées, Télé-Québec parvient à relever son défi de rebranding haut la main. Selon son directeur des programmes, ce succès est le résultat d’une vision globale : « On ne peut pas regarder chaque émission individuellement, explique-t-il, il faut avoir une vision d’ensemble. »

Créer des rendez-vous

Comment stimuler l’imaginaire de nos enfants? Qu’est-ce qui accroche nos ados? Comment intéresser les parents au contenu familial? Comment leur donner rendez-vous en fin de soirée une fois la marmaille au lit? À l’ère des chaînes spécialisées et des contenus nichés, la station publique réussit à rester rassembleuse, et pas seulement pendant Ciné-Cadeau. De Pat’ Patrouille à Deux hommes en or en passant par Like-moi, Télé-Québec s’adresse à tous et se regarde en famille même quand elle vise un public ciblé.

Un chef à la cabane remporte le titre de l’émission la plus regardée sur la chaîne après tout juste quatre semaines de diffusion cet hiver, alors que Subito texto et Les Argonautes sont les premiers choix des jeunes de 7 à 11 ans, toutes chaînes jeunesse confondues.

En pensant en termes de cible plutôt qu’en termes de plateforme, l’équipe de Télé-Québec a su façonner une grille de programmation organique, qui suit le rythme effréné de la vie familiale moderne.

Le goût du risque et le souci de la responsabilité

Le fait d’avoir longtemps travaillé sur de la programmation jeunesse rend la notion de responsabilité indissociable de la démarche de travail de Denis Dubois : « On a un mandat culturel, mais aussi un devoir quant au contenu qu’on choisit de diffuser, même quand on s’adresse à des adultes. »

Télé-Québec illustre d’ailleurs très bien la façon dont on peut conjuguer risque et responsabilité. L’on peut penser au percutant documentaire T’es où, Youssef ?, diffusé en février et disponible en ligne, qui suit Raed Hammoud dans sa quête pour comprendre ce qui a poussé son ami à quitter Sherbrooke pour les rangs d’un groupe armé terroriste en Syrie.

Sur un tout autre registre, Format familial aborde chaque semaine, avec brio, humour et sensibilité la réalité plurielle des familles québécoises dans un format… familial. Marie-Louise Arsenault animera pour sa part, dans un format 60 minutes, une émission hebdomadaire qui portera un regard critique sur les images médiatiques au Québec.

Que nous réserve Télé-Québec en 2017 ?

« Nous avons très hâte de dévoiler notre programmation d’automne », s’enthousiasme le directeur, qui promet que Télé-Québec continuera de nous surprendre, mais surtout de nous ressembler. « Je veux que comme société publique, on rejoigne la plus grande part possible de gens », ajoutant qu’il aimerait voir la télé québécoise dans son ensemble se diversifier et oser davantage.

Télé-Québec 2.0 est entre bonnes mains, mais il n’en demeure pas moins que l'industrie est en pleine réforme. L’adaptation au numérique est lente, on commence à peine à comptabiliser les visionnements en ligne et à voir la télévision et le Web comme les parties d’un tout plutôt que des plateformes concurrentes. En attendant que l’industrie s’actualise, Télé-Québec peut se targuer de mener par l’exemple.