135 étudiants ont entamé un baccalauréat en communication sur les bancs de l’Université de Sherbrooke l’automne dernier. Parmi eux, 100 se lançaient dans le volet coopératif de l’aventure. Pendant trois ans, ils troqueront leurs congés estivaux pour des sessions d’été afin d’intégrer trois stages en entreprises à leur cursus académique.

À terme, ils en tireront un avantage considérable sur leurs homologues qui suivent le programme traditionnel : de l’expérience. Et s’il est un mot qui promet de séduire les employeurs potentiels, c’est bien celui-là. (Susurrez-le pendant une entrevue. « Expérience. » Embauche garantie.)

Les programmes coopératifs en vogue


L’Université de Sherbrooke fut la première au Québec à intégrer le volet coopératif à ses programmes, en 1966. Depuis, l’engouement ne cesse de s’accroitre. À l’échelle nationale, entre 2006 et 2013, le nombre d’admissions aux programmes coopératifs a bondi de 25 %.

Le jour de sa diplomation au sein du programme coopératif de communication à l’Université de Sherbrooke, Judith Lachance avait à son actif un stage à l’Agence spatiale canadienne en révision de texte et un autre en communications internes à la Régie des rentes du Québec : « deux expériences tout à fait différentes qui m’ont permis d’ajouter de belles cordes à mon arc, de valider mon choix de carrière tout en approfondissant des connaissances acquises en classe ». Pendant les travaux d’équipe, les étudiants bénéficient non seulement de leurs expériences de stage, mais également de celles de leurs camarades. Ces échanges confrontent les universitaires à diverses réalités et diversifient les approches pour traiter d’un même enjeu; un atout dans le domaine de plus en plus complexe de la communication.

À quel prix ?


Les grèves et boycottages pour des stages rémunérés font toutefois les manchettes ces jours-ci, particulièrement au sein des programmes où lesdits stages sont obligatoires, comme c’est le cas en sciences de l’éducation à l’UQÀM. Les universitaires contraints de s’endetter pour travailler bénévolement dans le cadre du programme coop trouvent la facture de leur expérience salée. À l’Université de Sherbrooke, pas question que les étudiants travaillent sans salaire; pour chacun de ses trois stages, un(e) étudiant(e) en communication gagne en moyenne 585 $ par semaine. Selon Dany Baillargeon, professeur et responsable du programme de communication appliquée de l’université, tout le monde y gagne. D’une part, les stagiaires salariés sont plus engagés, n’ont pas besoin d’occuper un second emploi et peuvent se concentrer sur leur apprentissage. De l’autre, les employeurs ont tendance à s’impliquer davantage auprès d’un stagiaire qu’il est tenu de rémunérer.

Dany Baillargeon, Ph. D.
Responsable du baccalauréat en communication appliquée, Université de Sherbrooke

Un vase communiquant


Les progrès fulgurants dans le domaine des médias et des communications obligent les programmes académiques qui les abordent à se renouveler continuellement. À toutes fins pratiques, les étudiants sont un excellent vase communicant entre la formation académique et l’industrie qu’ils aspirent à intégrer. Les stagiaires sont en mesure de tester rapidement, sur le terrain, l’applicabilité des concepts appris en cours. Ainsi, en rendant compte de leurs expériences à leurs professeurs, ils participent à assurer une cohérence entre la théorie et la pratique. Cela étant dit, prévient M. Baillargeon, « il faut être prudent et toujours porter une réflexion sur la pression d’adapter les programmes universitaires aux besoins des entreprises ». L’emphase doit demeurer sur les théories et concepts qui transcendent les tendances, pour préparer les cohortes non seulement aux enjeux actuels, mais futurs.

Un cours sur Snapchat serait certes d’actualité, ironise M. Baillargeon, mais le programme de communication a d’abord pour mission « d’apprendre aux étudiants à apprendre » et non d’en faire des « peintures à numéro » pour les entreprises.

Bâtir une éthique de communication


Comprendre les mécanismes de la discipline, faire la distinction entre information et propagande, entre tendances et mouvements sociaux : autant de réflexions qui façonnent l’esprit critique et développent une méthodologie d’apprentissage robuste. L’Université de Sherbrooke insiste notamment sur une bonne qualité de la langue chez les futurs diplômés en communication. Pour rassurer les nouvelles cohortes quant à la charge de travail qu’implique l’inscription au programme coop, les finissants sont invités à rencontrer leurs successeurs pour partager avec eux leur parcours et le bénéfice qu’ils ont en tiré.

Douze ans après sa graduation, Mme Lachance œuvre toujours en communication à titre d’agente de communication à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Elle qualifie son passage dans le programme coop de « fichue belle expérience » qui a fait d’elle une meilleure professionnelle.

Un avantage compétitif dans un marché précaire


Selon un sondage Léger Marketing en 2014, 4 employeurs sur 5 considèrent les stages comme une opportunité de recruter de nouveaux talents. Et même s’ils ne se soldent pas par une offre d’emploi, ces expériences professionnelles constituent des opportunités de réseautage dans un milieu auquel l’accès se fait traditionnellement par référence.

Certes, le rythme et les exigences du programme coopératif en communication ne sont pas de tout repos pour la centaine d’étudiants qui se lance dans l’aventure chaque année à l’Université de Sherbrooke. Mais chose certaine, ce régime, lorsqu’appliqué proprement, a le pouvoir d’engendrer des diplômés plus qualifiés, plus convoités et somme toute mieux outillés pour faire face aux rouages du marché fragile de l’emploi.