Depuis sept ans, le concepteur, artiste et designer Pier Lalonde tient les rênes de l’entreprise québécoise Pixel et cie : un one man show dynamique misant sur l’apport de collaborateurs triés sur le volet. Discussion sur l’entrepreneuriat, les marques et le beau en compagnie du fondateur de Pixel et cie.

Pier Lalonde
Fondateur, Pixel et cie

Journée un peu folle, une autre !, chez Pixel et cie. Journée typique, en fait, dans la vie d’un entrepreneur en design et communication. Après quelques tentatives échouées d’entretien au cours de la matinée, un appel du 418 en fin d’après-midi laissait présager que celle-ci serait sans doute la bonne. « Merci de votre patience, je suis tout à vous !, lance Pier Lalonde au bout du fil d’une voix posée et chaleureuse. Il y avait cette approbation en postproduction que nous devions absolument terminer. J’ai dû mettre tout le payroll de l’entreprise sur le cas ! » Une boutade ? Non, du moins, pas lorsqu’on apprend que Pier Lalonde s’avère être le seul et unique employé chez Pixel et cie… « Hormis mon chien Pixel – qui agit ici à titre de président honoraire ! –, je suis le seul salarié de la compagnie, s’amuse Pier. Lorsque je l’ai fondée, j’ai voulu me distancier des structures entrepreneuriales classiques. Je n’ai pas de bureau, pas d’autres employés, que des collaborateurs contractuels. Je bâtis des équipes sur mesure pour chacun de mes projets. »

De l’art des spécialistes


Une recette qui semble lui réussir. « M’est d’avis que c’est ce qui fait le succès de Pixel et cie depuis sept ans, affirme fièrement Pier Lalonde. Nous sommes le profil type de la microentreprise. Un client m’approche avec une commande particulière et je greffe les bonnes personnes autour. Je ne travaille pas avec 50 pigistes, seulement un certain groupe dont je connais bien les forces. Des collaborateurs chevronnés. Lorsque tu travailles dans une agence conventionnelle (ce que j’ai fait pendant plusieurs années), tu deviens rapidement un « expert en tout ». Ce n’est pas vilain, au contraire; seulement, j’ai toujours eu beaucoup de respect pour les spécialistes. » Pixel et cie, quant à elle, se spécialise depuis sa création dans l’art de « faire grandir les marques ». C’est à dire ? « Faire grandir une marque, c’est l’aider à devenir pertinente pour sa clientèle cible, enchaîne Pier. C’est de la faire entrer dans une réalité concrète. De nos jours, une marque devient pertinente pour le consommateur seulement si elle ajoute à sa qualité de vie. »


Langue de marque


Une rupture de ton, voire même de langage, selon Pier, par rapport au marketing des dernières décennies : « Nous sommes loin des discours autrement plus mercantiles des années 80 et 90 en publicité. Nous sommes loin du temps où les publicités nous disaient à peu près que, pour être cool, il nous fallait absolument posséder tel ou tel truc. Nous assistons à un changement de garde ainsi qu’à la disparition du message linéaire. Aujourd’hui, on parle d’un réel discours entre les clients et les marques. Une marque, ça parle. Ça possède un langage. La marque n’est pas là pour flatter le consommateur, seulement pour le respecter. Il faut qu’une marque puisse s’humaniser et créer un lien émotif avec les consommateurs. Ça va au-delà du prix d’achat : d’ailleurs, la notion du « payer le moins cher à tout prix » est de moins en moins pertinente. Le but est que celui qui adhère à une marque en devienne par le fait même le porte-parole. Lorsque le client devient le complice d’une marque, c’est le Nirvana pour les deux parties. »

Faire du beau


Fils d’artistes, Pier Lalonde nourrit depuis l’enfance cette fascination pour l’esthétisme des communications. « Le programme de design graphique venait tout juste d’atterrir au cégep lorsque je m’y suis inscrit, se remémore-t-il. Ma mère et mon père avaient fait l’école des beaux-arts. J’ai grandi avec des sculpteurs, des peintres, des auteurs. J’ai eu la piqure de vouloir faire du beau, de tenter de rejoindre une certaine région du cerveau des gens pour en faire jaillir une émotion. C’est ce que je fais en communication publicitaire et c’est ce que j’essaie d’éveiller aux universitaires à qui j’enseigne à l’Université Laval. » Et lorsqu’on lui demande ce qui le rend toujours pertinent en 2016, Pier répond sans équivoque. « Ma curiosité, tranche-t-il. Je veux tout connaître. Quand quelqu’un me parle d’un sujet dont je n’ai jamais entendu parler, ou pour lequel je n’ai que de menues connaissances, ça me travaille. L’instant d’après, soyez sûrs que je suis en train de tout lire ce que je peux pour parfaire mes connaissances sur le sujet. La curiosité, c’est une drogue gratuite et légale. Je carbure à ça depuis toujours.