Qu’est-ce qui faisait donc chanter les p’tits Simard à l’époque ? Les p’tits poudings de Laura Secord, vous dites ? Pas du tout. Les p’tits jingles chantés, plutôt ! On en jase ici même dans 1, 2, 1, 2, 3, 4 !


Groupe, bien qu’on tombe encore parfois sur d’indigestes jingles de concessionnaires automobiles en mal d’amour, le jingle chanté est pratiquement disparu. Pourquoi ?


Martin : Faire un bon jingle chanté, ça coûte très cher. Il faut pouvoir se payer un soliste, trois choristes, des musiciens, des studios. Et des compositeurs, comme vous deux messieurs, c’est pas donné non plus ! (RIRES)

Martin Gosselin
Vice-président principal
 Associé, Terrain Ogilvy

Yves : Je suis d’accord avec Martin, pas sur mes tarifs, mais sur les budgets. ;) Rappelons-nous qu’à l’époque, on recevait des briefs de quinze messages radio, dix messages télé dont trois de 60 secondes. Les budgets étaient là. Quand je faisais du Air Canada, c’était un message par destination. Vous imaginez ?

Yves Lapierre
Musicien-vigneron, Clos Coty, Tarn-et-Garonne, France

Et pour qu’un jingle puisse prendre son envol, ça prenait aussi de gros budgets média.


Yves : En effet. Pour qu’il fonctionne, le jingle doit être entendu. Souvent. Longtemps. Et dans des versions différentes. Sinon, le consommateur se fatigue. Juste pour l’identification télé de Radio Québec avec Véronique Béliveau, j’ai fait 128 arrangements différents de cette même chanson ! Dont un à la Flashdance et une autre à la façon Boléro de Ravel.

Martin : L’aspect légal l’a probablement aidé à l’époque, car on ne pouvait utiliser des chansons anglaises dans les messages d’ici. Je me souviens d’une campagne Michelob. Aux États-Unis, ils utilisaient In the Air Tonight de Phil Collins. Ici, c’était hors de question. Ma meilleure option fut d’écrire un jingle original, chanté par Norman Groulx.

Outre les dollars, pourquoi n’en fait-on plus  ?


Paul : Il existe un côté ringard au jingle. Faire une toune avec les attributs de la marque, ça se pouvait à l’époque. Mais aujourd’hui, chanter « Mon beurre est plus onctueux que les autres beurres », pas sûr que ça fonctionnerait ! (RIRES)

Paul Maco
Coprésident, Mile Inn

Martin : Quoique si la voix est belle, on peut en dire des niaiseries. Demandez à Céline de chanter « Ils sont bons mes cretons », vous allez verser une petite larme, j’en suis convaincu ! (RIRES)

Yves : Il y a eu plusieurs vagues. Comme tout le monde essayait de se distinguer dans le jingle, on s’est mis à engager des chanteurs connus. J’ai fait la campagne « On l’aime notre monde » de Métro avec Ginette Reno à des tarifs totalement inimaginables aujourd’hui.

Puis, il y a eu la mode des chansons populaires; comme ça coûtait cher, on me demandait parfois de faire des jingles « à la façon de ». On avait nos trucs. On revirait les mélodies à l’envers. Quand la note montait, on la faisait descendre. Juste assez pour rester en dehors de la prison ! (RIRES)

Qu’est-ce qui fait sa force ?


Paul : Ça reste dans la tête. Très utile pour la notoriété d’une marque. Si je te dis Da Giovanni, j’suis sûr que tu vas me haïr toute la journée !

Martin : Un bon jingle, ça ne s’use pas très vite. Ça peut même faire plaisir à entendre, même quand t’es pris dans un bouchon de circulation.

Yves : D’ailleurs, j’avais fait un McDo à la façon d’Yves Montand. Et c’est moi qui chantais. Les gens appelaient à la radio pour savoir qui était le chanteur  ! (RIRES)

Il pourrait revenir le jingle ?


Paul : Dans la forme qu’on l’a connu, je ne crois pas. Surtout avec les offres compliquées d’aujourd’hui; faudrait chanter le légal et tout ! Mais dans des cas de parodie, comme on l’a fait pour Bling Bling de 
Loto-Québec, sure.


Martin : De fait, il n’a jamais entièrement disparu. Pensons seulement à la géniale campagne Real Men of Genius de Bud Light. Des jingles de fous ! Et ces temps-ci, je sens un intérêt pour la chose de la part de mes jeunes concepteurs-rédacteurs. Je jasais avec celui qui a travaillé sur le jingle de notre récente télé Huggies. Il m’a dit : « Hey, c’est pas un jingle, ça ! C’est une chanson ! » (RIRES).

Paul : L’identification sonore va toujours demeurer importante. Les identités sonores à la pop pop pop palaaa de McDonald’s, j’en vois énormément en Europe. Ici, moins. Peut-être que ça va venir. De toute façon, on va toujours trouver quelque chose de sonore pour mettre de l’avant une marque. C’est notre métier, pas vrai Yves?

Yves : Moi, ça fait un bout que j’ai troqué les noires et les blanches pour le rouge ! (RIRES)

Chantez-nous votre jingle préféré sur Twitter via le #GrenierMag et @pizza4all.