Face à un marché à la baisse et une offre à la hausse, les maisons de production de films publicitaires rivalisent d’ingéniosité pour tirer leur épingle du jeu. En ces périodes troublées, voire troublantes, #agilité, #polyvalence, #talent et #concertation sont les mots-clic de l’heure. On check la gate avec deux producteurs québécois.

Pointe de conversation avec Jérôme Couture



Jérôme Couture, Président et producteur exécutif, Alt et membre du C.A. de l’association québécoise des producteurs de films publicitaires

Pointe de conversation avec Visant Le Guennec


Visant Le Guennec, Producteur exécutif, Les Enfants

Groupe, l’accessibilité des moyens de production a changé la donne. La multiplication des plateformes de diffusion aussi. Dans ce contexte, comment gère-t-on une boite de prod en 2016?


Jérôme : La seule constante, c’est le changement (RIRES)! De notre côté, ce changement [vers le numérique], on l’avait un peu anticipé. On s’est positionné dès le début sur le contenu et la publicité sur le Web, et le marché a évolué vers ça. Ce qui fait que pour ALT, ça fonctionne plutôt bien ces temps-ci.

Visant : Quand nous avons créé Les Enfants, on a cadré notre vision sur le fait que l’on faisait de la production, point. Pas de postproduction à l’interne, pas de studios de tournage, ni de studios de son alors que c’était la tendance chez la compétition. Juste des producteurs et du talent, nos réalisateurs. On aime ça léger.

Ce qui vous offre une certaine agilité, je présume. N’étant pas associés avec une boite de postproduction ou de son, vous n’êtes pas tenus de toujours travailler avec les mêmes joueurs.


Visant : En effet. Pour nous, c’est important de laisser le choix aux réalisateurs et aux créatifs de travailler avec qui ils veulent. Voilà quinze ans, beaucoup de pubs se tournaient à Montréal; un créatif pouvait facilement faire dix à douze tournages par année, alors que maintenant, c’est à peine s’ils en font trois ou quatre. Ils ne veulent donc pas prendre de risque. Ils veulent travailler avec les meilleurs.

Jérôme : L’agilité passe aussi par la polyvalence du talent. Autodidactes, les jeunes réalisateurs ont appris à monter dans leur sous-sol, ils ont fait des films avec leurs amis. Alors ça les fait tripper d’aller plus loin dans la réalisation. On a des réalisateurs qui font aussi la direction photo, d’autres qui montent leurs pubs. Des bibites créatives qui veulent — et peuvent — faire tout plein de choses!


L’industrie québécoise de la publicité a été touchée par la mouvance de comptes vers Toronto. Qu’est-ce que cela implique pour les maisons de production ?


Visant : Oui, le marché a diminué, mais une chose demeure : les créatifs veulent des spots de haut niveau. Ils comparent avec ce qui se fait de mieux dans le monde. Ils veulent gagner des prix. D’où l’importance de miser sur le talent. Et de le former. Par ailleurs, il faut également que les clients comprennent que la game a changé. On en veut toujours plus, pour moins. C’est comme si tu mangeais ton dessert au restaurant, mais que tu refusais de le payer même si tu l’as commandé (RIRES).

Jérôme : Il faut que les annonceurs de Toronto et d’ailleurs réalisent qu’il y a de bons deals à faire à Montréal. Des agences m’ont déjà demandé d’évaluer leurs boards afin de comparer mes coûts avec ceux de Toronto. Ben, ils ont fini par tourner chez nous parce que l’on était plus compétitif avec un talent égal sinon meilleur.

Au-delà des actions spécifiques des maisons de production, existe-t-il des actions collectives pour améliorer la situation de l’industrie ?


Visant : La naissance en 2013 de l’AQFPF (l’Association québécoise des producteurs de films publicitaires) a été très importante en ce sens. Elle est venue baliser ce qui était en train de devenir un véritable Far West.

Jérôme : Et elle a permis de réunir à la même table de nombreux intervenants de l’industrie. On a créé un guide des meilleures pratiques commerciales entre les agences et les maisons de production, on s’est entendu avec l’AQTIS (l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son) et l’ADCQ (l’Association des directeurs de casting du Québec) sur une tarification tenant compte du type de production. Avec l’A2C (l’Association des agences de communication créative), on a réalisé une étude économique. L’A2C elle-même a fait un travail monstre pour mener à terme l’entente INM (Internet et nouveau média) avec l’UDA (l’Union des artistes) qui là aussi tient compte du type de production dans sa tarification. Tout le monde a mis la main à la pâte.

Perspectives d’avenir  ?


Visant : Au final, la question sera toujours : qui a le savoir-faire, qui sait bien faire les choses ? Tu veux faire une bonne prod, tu engages une bonne boite de prod, un bon réal, un bon DOP (director of photography).

Jérôme : À mon avis, on a un très beau futur à l’extérieur qui se dessine. Tu sais, quand des Félix & Paul font de la réalité virtuelle avec Obama, the sky is the limit.

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