En février dernier, Havas Worldwide collabore avec Market Probe International dans le but de dresser un portrait sur les tendances mondiales de l’industrie alimentaire. En résulte l’étude « Eaters Digest : The Future of Food ». Pour le consommateur, s’alimenter n’est maintenant plus une question de survie, mais bien de statut social, de santé et de protection de l’environnement. Tour d’horizon avec Judikaela Auffredou, planificatrice stratégique chez Havas Worldwide Canada qui a pris part à cette étude.

Judikaela Auffredou, planificatrice stratégique, Havas Worldwide Canada

Les différences générationnelles


L’étude est segmentée par générations soit : les milléniaux, la génération X et les baby-boomers. Chez les milléniaux, l’aspect visuel et social de l’alimentation est très important. Malgré leur petit budget, ils sont prêts à dépenser plus d’argent pour manger dans un restaurant trendy qui leur rapportera bien des likes sur Instagram. De leur côté, les baby-boomers ont une vision très fonctionnelle de l’alimentation. Ils estiment la qualité des ingrédients, leur valeur nutritive et leur origine (produits locaux idéalement) contrairement aux plus jeunes générations qui prônent plutôt l’expérience. « Ils [les milléniaux] peuvent manger un burger avec plein de bacon [au nouveau restaurant de l’heure], puis saupoudrer leur smoothie d’Açaí [un superaliment] », explique Judikaela. Leur alimentation est davantage dictée par ce qui est tendance. « La génération X est née à l’époque où les plats congelés étaient très populaires puisqu’ils n’avaient pas le temps de cuisiner. » Un peu plus tard, tous ces plats se sont révélés être additionnés de sodium et contenir de nombreux ingrédients modifiés néfastes pour la santé. Cette génération est donc devenue beaucoup plus prudente et craintive.


Ce n’est plus une question d’émotion…


Selon l’étude, le processus d’achat n’est plus basé sur une émotion et un achat impulsif. Il est beaucoup plus rationnel. Les marques doivent dorénavant trouver le moyen d’aider le consommateur dans cette nouvelle démarche.

Miser sur un étiquetage clair


Une première façon de faire est de simplifier l’étiquetage. « Les marques doivent faire un effort à ce niveau afin d’assurer que les valeurs nutritionnelles et ingrédients soient clairs pour le consommateur. Il ne suffit pas de faire une liste d’ingrédients, mais de les expliquer. » Il ne faut pas utiliser uniquement le nom scientifique, que peu de gens connaissent, mais un nom commun permettant facilement l’identification. Les règlementations sont assez strictes dans ce domaine, mais les détaillants doivent repenser la structure des informations, toujours dans le but d’aider le consommateur. Marion Nestle, un professeur de nutrition au New York University, et le toxicologue Alan Goldberg, ont imaginé « l’étiquette du futur ». Celle-ci permet d’identifier rapidement les ingrédients, de mettre en valeur les nutriments clés, de connaître la valeur nutritive globale du produit, s’il est éthique et écologique.

Améliorer la recette


Les marques peuvent également diminuer ou enrayer certains ingrédients considérés moins bons pour la santé en vue d’offrir un produit de qualité supérieure.

Utiliser la technologie


La technologie peut également être une bonne avenue. Comme le souligne Judikaela, « il existe certaines applications permettant de décoder l’emballage. C’est une façon pour la marque d’aider ses clients à mieux comprendre la chaîne de transformation de son produit. »


Impliquer le consommateur


« Il y a plusieurs années, les compagnies de préparations de pâte à gâteau ont rencontré un problème. Après une étude, elles ont découvert que le produit n’avait pas le succès escompté, car les consommateurs ne s’appropriaient pas le gâteau. Elles ont enlevé les œufs déshydratés de leurs produits, demandant maintenant d’ajouter les œufs et de brasser la pâte. Ce petit changement a fait toute la différence », nous raconte Judikaela. Les gens aiment s’occuper de la transformation finale d’un produit. La marque simplifie l’opération en retirant les étapes compliquées, mais demande à la personne de faire l’assemblage final. « Ceci donne un pouvoir au consommateur. » Peu importe la stratégie utilisée, le mot d’ordre est la transparence. Un exemple frappant, selon Judikaela, est la chaîne de restauration rapide McDonald’s qui est toujours très populaire en France, un pays reconnu pour sa gastronomie. « Elle met beaucoup d’efforts à expliquer la provenance des ingrédients et à bien présenter ses aliments. »

L’avenir de la restauration rapide


Ce royaume de la malbouffe semble voué à être mal perçu. Cependant, certaines campagnes de transparence permettent d’améliorer l’opinion des consommateurs. Un bon exemple, selon Judikaela, est la campagne Make Up Your Own Mind (2006) de 
McDonald’s. « Un autre courant que nous pouvons remarquer est la restauration rapide, mais santé, comme Copper Branch. »

Des tendances qui vont de pair avec les nouveaux produits


L’étude relate que le nom d’une marque n’est plus un gage d’intérêt envers un produit pour le consommateur. Nous pouvons ainsi dire que le produit d’une petite marque à autant de chance de réussite que celui d’une marque bien établie. Pour y arriver, l’idée est de résoudre les différents dilemmes des consommateurs. « Les consommateurs ont besoin d’avoir un vrai parti pris. Ils veulent un produit différent des autres. En ce sens, Innocent est un bon exemple. En alimentation, tout semble bien compliqué, il y a plein d’interdits. Cette marque européenne de jus de fruit a opté pour une stratégie de communication simple et ludique prônant le plaisir de savourer un jus fait seulement de fruits. Ils ont trouvé leur position dans tout le brouhaha », souligne Judikaela. Les consommateurs font face à de nombreuses problématiques, dont la peur de l’interdit, l’importance du regard et de l’opinion des autres, les choix à faire entre le bio, le local, l’environnement et l’éthique. C’est en trouvant des solutions à ces problèmes qu’une nouvelle marque peut gagner en notoriété et en popularité.

La distribution reste la difficulté qu’une petite marque rencontrera tôt ou tard. Alors qu’elle a autant de chance d’être choisie par le consommateur, elle peut difficilement faire compétition aux réseaux de distribution bien établis des grandes marques. « Le consommateur peut croire au discours du produit, mais à quel point est-il prêt à parcourir une distance supplémentaire ou rechercher un peu plus longtemps se le procurer ? »


Trouver les bonnes solutions


Selon l’étude, pour survivre, une marque doit prouver au consommateur qu’il peut lui faire confiance. Elle doit également lui démontrer que son produit est bon pour sa santé et pour celle de la planète. Les compagnies alimentaires devront trouver des stratégies répondant aux multiples besoins et questionnements des consommateurs pour assurer leur existence à long terme.

Télécharger l’étude complète ici.