Deux phénomènes parallèles. D’un côté, la poursuite de la migration des dollars publicitaires vers le numérique. De l’autre, le nombre croissant de consommateurs qui utilisent les adblockers. Et si nous avions appris aux consommateurs à nous détester?

Depuis que la pub est pub, celle-ci profite de chaque occasion pour tenter de nous rejoindre et de nous séduire. Tout au long de la journée, elle est devant nous, inévitable. Sur notre iPhone au lever, sur le derrière de l’autobus dans le trafic, sur la porte du cabinet de toilette pendant qu’on... regarde des pubs sur YouTube.


Comme le remarquait Rotfeld, le modèle de la publicité fut construit sur un modèle économique d’inventaire limité, la scarcity : le nombre de pauses à l’heure a toujours été défini. Oui, il a augmenté avec le temps, mais il n’est jamais devenu illimité. Idem pour l’affichage et — dans une certaine mesure — les journaux et les magazines. Mais le numérique est venu changer la donne. De nouveaux outils comme le pop-up, le road block, le catfish, la publicité contextuelle, le remarketing, les pre-rolls et la publicité native allaient joyeusement modifier le ratio pub/contenu.

Pendant un temps, les médias sociaux furent l’unique oasis pour l’internaute en quête de paix publicitaire. Mais en réduisant progressivement la portée organique des pages Facebook, l’ami Zuckerberg a inv(c)ité les annonceurs à revenir à leurs bonnes vieilles habitudes : acheter des yeux plutôt que tenter de les séduire. Dehors les gestionnaires de communauté, welcome back planificateurs média (et dollars) chéris!

Impertinence + Omniprésence = Beubye


ComScore et SourcePoint * nous rapportent que 16 % des internautes canadiens utilisaient des outils de blocage publicitaire en juin 2015. 16 % c’est pas si pire, vous dites ? Pour l’instant, peut-être... Mais lorsque l’on constate que 30,5 % des 18-24 le font et que la tendance va vers le haut, cela envoie un message net, clair et précis sur la suite des choses : les milléniaux — ceux qui sont nés avec une souris entre les mains — savent comment dire non aux annonceurs. Ils le font et ils continueront à le faire.

Car le phénomène ne se limite pas au blocage de bannières. Selon JW Player **, le Canada occupe le second rang mondial en consommation de vidéos en ligne à l’aide d’un adblocker (43 %), précédé de l’Allemagne à 62 %! Quand on voit à l’horizon se pointer des outils de blocage pour les mobiles également, on peut se demander : le party serait-il fini?

On fait quoi alors?


En guise de riposte, des sites comme celui du magazine Bild ont interdit l’accès aux internautes munis de bloqueurs. Jusqu’à ce qu’une version indétectable fasse éventuellement son apparition ou que les annonceurs désertent le site allemand à leur tour par manque d’auditoire. La solution n’est pas là.

Il faut revenir aux sources. L’omniprésence de la pub en ligne, associée à une créativité qui laisse souvent à désirer, fait mal à la pub numérique. Il devient urgent d’ajouter une nouvelle constante au signal publicitaire : la pertinence. La vraie. L’empathique. David Tremblay, VP média chez Terrain Ogilvy me partageait l’autre jour qu’une de ses bannières, placée dans un environnement pertinent pour le produit, avait généré un taux de clic de plus de 2 %. Pas 0,002 %. 2 %!!!

Mais, comme en média numérique, les achats se font de plus en plus par la programmatique (le dollorama de la pub en ligne). On bombarde le consommateur de messages plus ou moins pertinents dans des environnements qui ne le sont pas toujours : oui, c’est vrai, j’aime la pizza, et mes cookies le disent à tous les serveurs publicitaires! Mais une pub de pizza alors que je lis un article sur une tragédie maritime dans la Méditerranée avec un pauvre petit chou innocent échoué sur la grève, ça ne me donne pas faim du tout…

Profitons de l’immense potentiel qu’offre l’univers numérique en matière d’expériences de marque uniques, plutôt que de venir s’y imposer impoliment. Les milléniaux carburent au numérique parce que c’est leur monde. Ils y ont du plaisir, ils y socialisent, ils y font des découvertes, ils s’amusent. Peut-on se ressaisir et faire de même ?

Poursuivez la discussion sur Twitter, via #greniermag et @pizza4all.

Ils l’ont dit


Dans le cadre de cet article, j’ai envoyé un message d’aide à Facebook demandant à mes « amis » de répondre à un sondage qui n’a rien de scientifique. Or, il semblerait que les médias qui font mal aux consommateurs (ou à la pub), sont l’Internet en général (88 %) et YouTube en particulier (83 %), suivi pas trop loin de la télévision (75 %). Les mots-clés qui reviennent régulièrement durant cet entretien de groupe sont : indifférence, agressante, intrusive, obligation, entrave, pop-up, Web, répétition, intrusion, abus, redondance, criarde, envahie, cochonneries, singe, pitou, bébé.

*eMarketer, Ad Blocking’s Presence Growing in Canada, mars 2016.
**Secret Media and JW Player, Adblock and the Global Video Market, septembre 2015