Je vous vois venir : « Qu’est-ce qu’il y a de plus à dire sur le phénomène Pokémon Go? ». Le Grenier aux nouvelles s’est posé la question et la réponse est bien simple : l’opinion de différents spécialistes sur la chose! Au fil de cet article, découvrez l’envers du décor « marketing » de cette tornade sociale, et ce, grâce à l’expertise d’un concepteur vidéo et d’un maître des relations publiques. Demain, découvrez plutôt le
« côté communications ».

Côté marketing


Un jeu, une application, des millions d’utilisateurs en quelques jours… mais le calcul va beaucoup plus loin! On parle d’un long processus d’idéation, de création, d’essais et, finalement, un lancement qui doit être réussi. On jase de tout ça avec Philippe Pelletier-Baribault, concepteur de niveau chez Beenox, et avec Frédéric Verreault, associé chez TACT intelligence-conseil.

Selon vous, un tel projet s’échelonne sur combien d’années avant sa sortie, et combien d’experts différents s’affairent sur la chose?

Philippe Pelletier-Baribault : L’application Pokémon Go s’est inspirée du jeu Ingress — qui avait été développé en environ trois ans — donc le « gros » du travail était déjà fait, et à ça on peut facilement ajouter un bon deux ans de développement. Toutefois, ce qui a dû demander beaucoup d’heures de programmation, c’est la modélisation et le côté technologique des données GPS.

Frédéric Verreault : Le processus est somme toute assez limpide : le produit est longuement rodé et son efficacité est dûment prouvée, c’est certain. Mais il faut dire que la réponse à l’application a visiblement dépassé les attentes les plus folles de tous ceux impliqués dans ce lancement. Même si le lancement en tant que tel a bien été organisé, l’ampleur internationale du produit a visiblement été sous-estimée! Pour preuve : la semaine dernière, l’application était toujours non disponible au Canada et les passionnés devaient activer un compte américain pour pouvoir jouer… Alors que, par exemple avant un lancement d’envergure, on procède habituellement à un « crescendo » promotionnel afin de créer un engouement avant la sortie officielle du produit. Dans ce cas-ci, au Québec seulement, on répertorie aussi peu que quatorze mentions médiatiques de l’application avant sa sortie, le 8 juillet dernier, contre près de 900 mentions à l’heure où on se parle. À moins que ce chaos ait été souhaité au nom du « buzz », il y aurait donc eu des difficultés au niveau de la structure des relations publiques.


Croyez-vous que Pokémon Go aura une grosse influence sur le domaine de la recherche & développement des jeux vidéos ou applications, au cours des années à venir? À quels niveaux?

F. V. : Le succès d’un tel produit repose sur trois facteurs principaux : le réel, le virtuel et le patrimoine émotionnel. Dans ce cas-ci, on parle d’un succès phénoménal qui réunit ces trois composantes à la perfection. Le jeu crée une connexion émotionnelle particulière avec son marché cible et ça fonctionne. Ce qui est d’autant plus exceptionnel dans le cas de Pokémon Go c’est que le jeu rentre dans la catégorie des « premières fois »… donc un buzz qui sera difficile à égaler ou à dépasser et qui est visiblement imprévisible. Il y a énormément d’opportunités à saisir ici : le marché est là et l’impact est indiscutable.

P. P.B.: Oui. J’ai aussi l’impression que beaucoup de gens et de compagnies vont tenter de dépasser le buzz… mais j’ai de la misère à voir comment ce phénomène pourrait même être égalé. On parle ici d’un jeu qui réussit à mobiliser une toute nouvelle clientèle (de « non-gamers »), et qui permet aussi aux joueurs de tisser des liens sociaux dans la réalité : un remarquable tour de force!

Philippe Pelletier-Baribault, concepteur de niveau chez Beenox


On doit se le dire : la réussite du lancement d’un tel jeu est très importante. Selon vous, quels sont les points forts et les points faibles du lancement de Pokémon Go?

P. P.B.: Pour moi, le point fort se veut être la visibilité incroyable de Pokémon Go dans le monde. Je n’ai définitivement jamais vu un jeu ayant une visibilité aussi grosse, et ce, sur une si grosse partie de la population. C’est un réel phénomène social, avec une viralité incroyable! Quant au côté plus faible, je crois que c’est la sous-estimation de l’engouement face au jeu. Il y a tellement de joueurs que l’application connaît déjà des problèmes de serveurs. C’est toutefois une lacune très technique… donc est-ce qu’on parle d’un point faible ou plutôt simplement d’une compagnie victime de son succès?! (Rires)

F. V. : Du côté fort, évidemment, il y a le produit lui-même, de même que l’authenticité de la promotion de celui-ci. À ce jour, on compte plus de 5 millions de « tweets uniques » au sujet de Pokémon Go! Ça veut donc dire que les participants sont au rendez-vous : c’est une tempête parfaite. Le tsunami prend une ampleur et une vitesse extraordinaires. Du côté plutôt faible, je pense clairement à la non disponibilité du produit au Canada la semaine dernière. Nous sommes dans une ère d’instantanéité et le « ici et maintenant » est primordial pour les consommateurs.


Dans quelle mesure croyez-vous qu’un établissement peut profiter de l’engouement associé à ce jeu?

P. P.B.: En fait, beaucoup de gens profitent déjà de l’application et, pour le moment, les possibilités semblent infinies. J’ai entendu parler d’un restaurant qui payait 2 $ par heure pour créer un appât dans son restaurant et l’achalandage était énorme! L’application parle déjà de partenariats possibles avec certains commerces et, dans le jeu, il est aussi possible de faire des demandes d’ajout de lieux. C’est extraordinaire pour attirer des gens qui ne seraient autrement pas allés à un certain endroit. Personnellement, je n’ai jamais vu autant de gens dans le Parc St-Roch, à Québec, qu’au cours de la dernière semaine… c’est juste fou! (Rires)

F. V. : Ça rentre dans les opérations marketing, où l’objectif est de générer de l’achalandage, d’optimiser la période de temps passée dans le commerce et d’augmenter les ventes. Ainsi, un « Pokéstop » peut avoir un bénéfice en fonction du commerce en question, mais rien n’est garanti! Pour le moment, il est trop tôt pour bien noter les impacts d’une telle stratégie, mais il sera effectivement intéressant de voir comment les entreprises auront su tirer profit dudit jeu, et ce, au cours des prochains mois.

Frédéric Verreault, associé chez TACT conseil


Finalement, avez-vous personnellement essayé le jeu? Quelle est votre plus belle prise à ce jour?

F. V. : J’ai vu plusieurs collègues y jouer, mais je me contente d’observer! J’ai toutefois l’impression que la vague va bientôt gagner mes enfants. (Rires) Quoi qu’il en soit, l’engouement est attribuable à la bonne utilisation par Nintendo du « patrimoine Pokémon » qui, pour toute une génération, fait appel à une certaine nostalgie. Pokémon Go c’est donc un « cool factor » vintage à la sauce contemporaine!

P. P.B.: Ben oui! Mon plus beau moment c’était la semaine dernière : un ami m’a appelé pour aller le rejoindre dans un parc et on s’est rapidement retrouvés au beau milieu de 20 personnes, tous occupés à ramasser des Pokémons. Je n’ai jamais parlé à autant d’inconnus d’un seul coup et c’est la preuve tangible qu’un jeu peut réellement créer de beaux moment qui dépassent le virtuel!

Une petite primeur : Crack media et Beenox (à Québec) préparent une petite guerre amicale de Pokémon Go dans le quartier St-Roch et le tout se mettra en branle dès le lancement officiel au Canada, donc probablement au cours de la semaine… À suivre!

Crédit : The Oatmeal / The Oatmeal Instagram / @Christopher Bireley