En période d’austérité, la tarte sociale est bien moins grande qu’elle l’était et ses parts s’amenuisent. Survivre, de surcroît lorsqu’on est un organisme à but non-lucratif, n’est pas une mince affaire. Selon un rapport de 2006 de l’Alliance de recherche universités-communautés en économie sociale, le Québec comptait 46 000 organismes à but non lucratif (OBNL) et leurs défis sont multiples. Imaginez dix ans plus tard.

« Viande à chien, ça coûte cher pis j’ai pas une cenne »
Dirait Séraphin Poudrier en se grattant le menton dans un épisode des Belles Histoires des pays d’en haut.

Mais qu’est-ce qu’un organisme à but non lucratif? Un OBNL est une personne morale au même titre qu’une compagnie, qui n’a pas de capital-actions et n’a pas comme objectif de faire des profits. Il est exempté de payer de l’impôt et de la taxe sur le capital. Mais, au même titre qu’une entreprise, un OBNL doit posséder un plan de communication efficace pour rejoindre sa clientèle et ses donateurs.

Nous nous sommes tournés vers trois organismes pour cerner les principaux enjeux et défis auxquels ils doivent faire face en cette ère numérique. Premier constat, il y a autant d’OBNL qu’il y a de défis. Pour Coup de cœur francophone, festival de musique francophone et précurseur dans son domaine, le salut se trouve dans le remplacement des médias traditionnels. À l’opposé, le plus grand défi de la Fondation pour l’alphabétisation est plutôt de réussir à faire connaître ses services à une clientèle qui est incapable d’accéder à ses communications, peu importe leur provenance. Quant à la Maison des Familles de Chicoutimi, un petit organisme qui agit à l’échelle locale, son enjeu principal consiste surtout à tenter d’équilibrer l’offre et la demande dans une conjoncture économique difficile.

Pour Steve Marcoux, programmateur à Coup de cœur francophone, comme pour nos deux autres intervenants, un des problèmes majeurs en est un d’enveloppe monétaire. « Les montants pour pouvoir communiquer au grand public ne grossissent pas avec le temps, tandis qu’annoncer dans les médias traditionnels coûte cher. » Pour le Festival, le salut se trouvait donc dans l’autopromotion. « Personne ne parlait de nous alors nous avons décidé de le faire. Nous sommes devenus notre propre médium! » L’organisme s’est tourné vers le Web et a embauché son propre journaliste, qui crée lui-même les contenus durant le festival (articles, vidéos, photos). « Il faut trouver quelqu’un qui fait tout », ajoute-t-il. « Puis on loue des espaces sur le site du Voir pour mettre ses articles. Assisté d’un gestionnaire de communauté, notre journaliste a fait connaître l’événement comme jamais auparavant. Dire qu’on a commencé avec un iPad et deux téléphones », rit-il. « Il faut maîtriser les nouveaux médiums et passer plus de temps aux communications numériques. »

Steve Marcoux, programmateur à Coup de cœur francophone | Crédit photo : Gwenaelle Sartre

Une autre façon pour Coup de coeur francophone de tirer son épingle du jeu a été de s’associer à d’autres marques. Pour les commandites, mais également pour vendre son expertise à d’autres organismes et événements. « Il faut multiplier nos activités toute l’année, faire parler de soi durant les 51 autres semaines où le festival n’a pas lieu. Nous nous sommes associés à des collectes de fonds, par exemple. C’est une manière de faire rayonner notre expertise dans d’autres événements. »

Même son de cloche du côté de la Maison des Familles de Chicoutimi, qui soutient les parents dans leur rôle familial. C’est dans l’association qu’ils réussissent à faire connaître leurs services. « Le bouche à oreille et Facebook nous aident à faire parler de nos services à la population. La plupart du temps, c’est par le biais d’autres organismes qui parlent de nous, qui partagent des photos ou des événements que la clientèle nous découvre », nous dit Diane Lebel, trésorière de l’organisme saguenéen. À l’instar de Coup de cœur francophone, les sommes d’argent faméliques distribuées à l’organisme sont la source de bien des maux. « Il y a trop de monde pour les services qu’on peut offrir et pas assez de subventions pour les offrir. On peut bien avoir d’excellentes communications et faire la meilleure promotion possible, s’il n’y a pas de place pour la clientèle, on n’est pas avancés. Notre plus gros problème est qu’on doit maintenant rendre les demandes de subventions sexy!»

Diane Lebel, trésorière de la Maison des Familles de Chicoutimi

Pour Geneviève Lanoue-LaRue, responsable du développement philanthropique à la Fondation pour l’alphabétisation, la problématique principale est qu’au-delà des communications grand public, l’organisme doit s’adresser à une clientèle qui souffre de littératie. « On doit se tourner vers les médias traditionnels, comme la publicité à la télévision. La communication verbale sera toujours plus efficace à cause de la clientèle, mais elle coûte cher. »

Consciente que l’organisme devra aussi faire plus avec moins, Geneviève ajoute que la Fondation doit être plus active sur les réseaux sociaux, particulièrement sur Facebook. Mais il sera difficile de surpasser la portée des médias traditionnels. « J’ai 20 % plus d’appels téléphoniques de donateurs après une mention à Salut Bonjour. En plus, les communications doivent se faire à 360 degrés, et c’est une seule et même personne qui fait tout. Ça demande beaucoup d’énergie. Mais nous le faisons car nous voulons que chaque somme d’argent récoltée soit remise à la cause. »

Noyés par de multiples incertitudes, les OBNL n’ont d’autre choix que de réévaluer constamment leur position sociale. C’est vrai pour Coup de cœur francophone, qui après avoir été précurseur tente de se réinventer au quotidien, ça l’est aussi pour la Fondation pour l’alphabétisation, qui revoit présentement ses orientations et ça l’est tout autant pour la Maison des Familles de Chicoutimi, qui examine les priorités de l’organisme.

Mais, en tant que société, n’est-ce pas en nous questionnant que nous avançons?


Article paru dans le Grenier magazine du 2 mai. Pour vous abonner, cliquez ici.