Toute production cinématographique débute invariablement par la création d’une équipe, étape primordiale dans la réussite d’une œuvre. Comment réunir le meilleur personnel possible autour d’un projet? Petit précis sur l’art de la construction d’une équipe de tournage.

« Lorsque nous nous trouvons en face d’un créateur digne de ce nom, nous ne pouvons que tourner autour de son film comme un papillon de nuit autour d’une lumière. » — François Truffaut

Vous êtes auteur, réalisateur ou producteur (peut-être les trois en même temps, qui sait?) et vous avez entre les mains une histoire béton. Un scénario de fou dont la version finale vient tout juste de sortir de chez l’imprimeur. Coup de chance, vous jouissez aussi d’un financement quasi illimité (puissions-nous rêver en couleur le moment d’une chronique) vous permettant de réaliser tous vos fantasmes cinématographiques l’instant de quelques coups de manivelle. Tout est en place pour la production de votre magnum opus. Il ne vous manque plus qu’un ingrédient, un seul, mais qui pourrait s’avérer être le plus important de tous. L’équipe.

On commence par où?


Telle est la question. Pour nous prêter au jeu, nous prendrons donc l’exemple classique d’un film dont le financement aura été octroyé après que le noyau dur de la production (auteur, réalisateur et maison de production) ait été présenté aux financeurs. « Quand on entre en production, le vrai maître d’orchestre, ça devient le réalisateur. À moins d’avoir engagé un incompétent (ce qui peut arriver), tu engages du personnel qui pourra l’aider à matérialiser sa vision de l’œuvre. Pendant qu’on tourne, c’est lui qui mène le jeu. Pas moi, ni les comédiens, ni l’auteur. Si tu veux que ta production évite les ennuis, alors t’essaies de trouver des gens à des postes clés qui sauront s’adapter à sa vision, et non l’inverse », nous confie un producteur d’expérience avec qui Grenier magazine s’est entretenu – lequel a cependant souhaité conserver l’anonymat.

Les postes clés


Et quels sont-ils, ces postes clés? « Ils sont faciles à identifier, poursuit notre source, ils ont tous les mots chefs ou directeurs dans le titre! Ça va du directeur artistique au directeur de la photo, en passant par le directeur de production au chef coiffeur et au chef maquilleur. Ce sont ceux avec qui ton réalisateur négocie au quotidien. Il faut que la chimie passe, qu’ils partagent une compréhension commune du film. T’as beau entendre dire qu’untel est le meilleur du milieu ou qu’unetelle est une top, ça ne veut rien dire. Si ça ne marche pas avec ton réalisateur, t’es dans la merde jusqu’au cou, je peux te le garantir! Si tu fais juste te fier sur la réputation des gens, t’es aussi bien de piger des noms dans un sac au hasard. Et là je ne vous ai même pas parlé de l’importance du métier de premier assistant, lequel se trouve à être le bras droit, le bras gauche, les reins et les poumons du réalisateur sur un plateau. »

Pas une histoire de cliques


Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des collaborations se poursuivre entre deux créateurs au-delà d’une seule production. « Quand un réalisateur s’acoquine avec un directeur photo et un premier assistant, par exemple, ce sont des relations qui peuvent durer plus longtemps que bien des mariages, poursuit notre source. Parfois, j’entends des artisans du milieu se plaindre que le métier est rempli de petites cliques. Je leur réponds que ce n’est pas une histoire de cliques; c’est juste que, quand tu trouves enfin quelqu’un avec qui ça marche, tu ne le lâches pas! Et tu veux retravailler avec. Quand ton équipe est heureuse, t’as des chances que le produit fini soit meilleur. Il y a des producteurs et des réalisateurs qui sont plus interventionnistes, qui veulent avoir un droit de veto sur l’ensemble des embauches, allant du cantinier jusqu’au 99e figurant. Moi, je préfère embaucher des gens qui sauront embaucher d’autres gens compétents. »

L’équipe avant tout


Son de cloche similaire du côté de Michel Cordey, réalisateur-monteur, lequel en est aujourd’hui à la post-production de son tout premier film, Le centre du monde, une œuvre autofinancée. « Tourner pour le grand écran ne veut pas nécessairement dire de tourner avec une grande équipe, affirme-t-il. Quand tu tournes avec une petite gang de sept personnes, comparativement à un plateau américain où travaillent 170 artisans, tu es autant dépendant de ton équipe. Un film, quand on y pense, c’est des images et du son. Avec un peu d’organisation et des bons collaborateurs, tu arrives à raconter une histoire qui se tient, et ce, en enchaînant les plans et les répliques — avec un peu de chance, aussi, soyons honnêtes. Quand tu tombes sur un chef d’œuvre au cinéma, tu sais que tu viens d’être témoin d’une situation où tout le monde a bien fait son travail, de l’écriture du scénario jusqu’à la post-production. Pour que ça se produise, il faut d’abord et avant tout que tes collaborateurs soient enthousiasmés par ton projet, par ta démarche. Parce que le cinéma, c’est du sport. Un sport d’équipe! »

Michel Cordey, réalisateur-monteur


Article paru dans le Grenier magazine du 25 avril. Pour vous abonner, cliquez ici.