Le 27 octobre dernier, la bannière ouèbe a eu 21 ans. À l’aube de sa majorité, je me suis dit qu’il serait pertinent d’aller voir comment elle se porte. Pour ce faire, j’ai invité quelques-uns de ses artisans autour de ma table ronde virtuelle. Allons les rejoindre à l’instant.

Groupe. En 21 ans, la bannière est passée d’un taux de clic de 44 % à 0,06 %. Pendant ce temps, eMarketer prévoit que les dépenses en médias numériques vont passer de 4,36 millards en 2015 à 6,04 milliards $ en 2019, au Canada seulement. Elle va comment, la bannière?

David B. : Mal. Y en a trop. Les gens n’y portent plus attention, à moins qu’elles se démarquent vraiment.

Samuel : L’écosystème numérique publicitaire a énormément grandi. Des trois formats d’origine, nous sommes passés à plein de nouvelles options, dont le pre-roll vidéo, le native et le retargeting, par exemple.

David T. : Plein de nouvelles plateformes aussi : médias sociaux, mobile, tablette numérique. Donc encore plus de nouvelles opportunités, telles que le click-to-call et le geo-fencing.

Dave : Et des nouvelles technologies comme la programmatique et le real-time bidding (RTB) qui nous permettent de mieux cibler nos annonces.

Dave Gourde, associé et vice-président média, Bleublancrouge

Plus de possibilités, d’accord. Mais le contenu s’améliore-t-il, lui ? Voilà 10 ans, je donnais déjà des conférences sur l’art de faire de bonnes bannières, parce que je trouvais que tout ce que je voyais était mauvais. 10 ans plus tard, elles sont encore plates, fades, impertinentes et tournées sur elles-même.

Bob : Les budgets de prod de bannières ont énormément diminué. Les clients utilisent des outils qui leur permettent de changer eux-même l’image et le texte d’une bannière, et ce, en temps réel. Un peu comme Wordpress et les autres CMS ont uniformisé le site ouèbe... Du cut and paste générique.

Jane : Je dirais aussi que, comme les formats sont souvent sélectionnés avant même le brief de création, on se retrouve avec un terrain de jeu minuscule.

Bob : Et clarifier les attentes. Un 40 k, c’est plus proche d’un 1/4 page N/B dans le journal que d’un spot télé!

Bob Mainguy, vice-président interactif, Rouge Marketing

Parlant media… les budgets, ils vont comment eux ?

Dave : Bien. Le numérique étant de plus en plus présent dans la vie des gens, nos plans le reflètent. Chez nous, c’est environ 30 % et 35 % du budget qui va aller au numérique, dont 60 % en bannières display.

David T. : Et avec le RTB , le CPM (coût par mille) est réduit, donc on en en fait plus – et mieux – avec moins. Ce qui nous permet d’aller chercher du 2 $ le CPM, versus du 20 $ – lorsque l’on achète par environnement.

David Tremblay, vice-président, Terrain Ogilvy

Donc des plans numériques plus morcellés, plus de plateformes à couvrir, des CPM plus bas. Ça a un impact sur les budgets de créa, non ? Le ratio $média/$prod ne tient plus la route par exécution.

David B. : Moins de budget, plus de formats, moins de ressources spécialisées, donc moins d’occasions d’en faire qui se démarquent.

Jane : Au point où je suggère parfois de ne tout simplement pas en faire s’il n’y a pas de budget décent pour permettre une créa qui se tient.

Jane Torres, directrice artistique senior, comunika

Et le taux de clic, on en tient compte, encore en 2016?

Samuel : Le rôle premier de la bannière, c’est de bâtir la notoriété. Le mozusse (NDLR : J’AI CHANGÉ L’ADJECTIF UTILISÉ! RIRES) de taux de clic, on s’en fout. Je préfère de beaucoup l’engagement. Mais il n’y a pas beaucoup de bannières qui appellent ça.

David T. : C’est sûr qu’avec le CTR, on s’est un peu peinturé dans le coin. C’est sa « mesurabilité » qu’on a vendu au début, mais maintenant, on revient à la base. Rejoindre le consommateur, le bon, là où il est.

Dave : Et être pertinent. La marque ET le consommateur doivent en sortir gagnants. Les ad blockers sont un message très clair du consommateur en ce sens.

David Boily, dompteur de bannières et animateur vidéo

Ça me trotte dans la tête depuis le début de notre conversation. Est-ce un pré-requis de s’appeler David pour faire des bonnes bannières?

David T., David B. et Dave : Non, mais ça aide!!! (RIRES)

La question qui tue (ACCORD D’ORGUE ET LUMIÈRES DE CIRCONSTANCE). Groupe, de 0 % à 100 %, quelle note donneriez-vous à la bannière aujourd’hui?

Groupe (EN CHŒUR ET EN MOYENNE) : 45 %...

Samuel Parent, directeur général, Réseau APCMT (et ex-monsieur IAB)

Pendant que la conversation se prolongera jusqu’à tard dans la nuit, je me permets de me retirer du groupe un moment afin de vous dire au revoir. Je retiens de ces discussions un point central. Selon l’avis de tous, c’est l’industrie au complet qui est responsable du mauvais traitement réservé à notre pauvre petite bannière. À nous de faire en sorte de la recrinquer afin de faire des campagnes numériques qui torchent... et qui gagnent des prix, amis créatifs!

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Les maltraiteurs de bannières : les voici

  • Les éditeurs, pour en inonder à tout prix (sic) leurs sites, et ce, dans tous les formats possibles, sans trop tenir compte du consommateur (le pop-up est mort, mais ses descendants se portent très bien, merci);

  • Les clients et les planificateurs média, pour prioriser l’atteinte du plus bas CPM possible et pour imposer des formats bleuhs à la créa;

  • Les stratèges, pour ne pas mieux comprendre, vendre et exploiter les possibilités du média;

  • La créa, pour la voir comme un mal nécessaire et ainsi accepter de créer des bannières poches;

Les dirlos créa, pour ne pas mieux former (forcer ?) leurs équipes à réaliser des bannières qui tuent et les défendre à l’interne comme chez le client;

  • Les boîtes de prod spécialisées, pour ne pas y aller pour l’extra mile, pour ne pas mieux éduquer/inspirer leurs clients, pour ne pas s’impliquer en amont;

  • Et moi-même, qui préfère varger dessus plutôt que de tout simplement la cliquer. Mais c’est par amour – qui aime bien châtie bien ;)

Pointe de conversation avec Dave Gourde


Article paru dans le Grenier magazine du 28 mars. Pour vous abonner, cliquez ici.