Tout, ou à peu près tout, a été dit sur la spectaculaire victoire des Libéraux de Justin Trudeau lors de la dernière élection fédérale. Plusieurs experts ont insisté, avec raison, sur la très grande qualité de l’opération de relations publiques, pendant et après la campagne. Une image léchée, que ce soit pour le chef ou pour les affiches des candidats, une utilisation habile des réseaux sociaux et des relations harmonieuses avec les médias : tous ces efforts ont certainement contribué à la victoire des Libéraux. Mais est-ce que c’est suffisant ? La réponse est non.

On ne peut pas réduire une élection, ou la joute politique en général, à une simple opération de relations publiques. Aucun parti ne peut espérer prendre le pouvoir avec, comme seule plateforme, une belle image. Gagner une élection, c’est élaborer un programme qui est en phase avec l’électorat, c’est choisir des candidats qui représentent les valeurs de son parti, c’est mettre en place une équipe de bénévoles hautement motivés, c’est être capable de passer au travers d’une (très longue) campagne sans faire de gaffes. Gagner une élection, c’est beaucoup plus qu’une simple question d’image.

Il m’apparaît évident qu’Angela Merkel ne dégage pas une image à la Justin Trudeau. Pourtant, elle sera réélue si elle décide de se représenter. Et malgré tout ce qu’on disait de l’image de Jean Chrétien, il a tout de même remporté trois élections consécutives au Canada.

Bien sûr, la campagne des Libéraux a été impeccable au niveau des relations publiques, mais il faut aussi apprécier le génie politique de leur équipe de campagne. De positionner le parti à gauche du NPD, en promettant trois ans de déficits, et de marteler le thème de Robin des bois, ce n’est pas un exercice de relations publiques, mais bien une stratégie politique habile qui a permis au Parti libéral du Canada de rejoindre l’électorat, et ce, à l’endroit exact où il se situait sur l’échiquier politique. Car au-delà de l’image, il faut du contenu et ça, les Libéraux en avaient. Dans mon livre de politique 101, c’est ce qui a fait gagner Justin Trudeau et son équipe, le 19 octobre dernier.

Tout ça, bien sûr avec un chef qui pagaie élégamment sur une rivière, qui embrasse ses enfants en public, qui a un look de vedette d’Hollywood, qui maîtrise l’art du selfie, et qui a la merveilleuse idée d’aller remercier ses électeurs dans une des stations de métro de son comté, le lendemain de son élection à la tête du pays.

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Un texte de François Crête, vice-président chez Cohn & Wolfe | Montréal