Du 9 au 12 avril dernier se tenait le Salon Maternité Paternité Enfants à Montréal. Vous avez déjà visité ce salon? Un raz-de-marée de poussettes, de mères-acheteuses compulsives et d’exposants soucieux de bien garnir le trousseau de la mère parfaite.

Mis à part quelques courageux futurs papas soucieux de s’impliquer dans l’arrivée prochaine de leur progéniture et votre humble chroniqueur, nous étions à des années lumières de l’ambiance imprégnée de testostérone d’une Cage aux sports durant les séries éliminatoires.

Mon associée de l’agence Microb (spécialisée dans le marché des parents d’enfants de 0 à 5 ans) et moi, avons sillonné les allées dans l’espoir d’y découvrir les dernières nouveautés et tendances pour la famille. Mis à part quelques exposants qui daignaient me donner un minimum d’attention, les exposants ont encore aujourd’hui un discours et du matériel publicitaire orientés exclusivement vers la mère. Je caresse le rêve d’accompagner un manufacturier ou un détaillant qui ne relèguera pas le père au rôle d'accessoire ou de figurant dans ses communications.

Des papas de plus en plus impliqués dès les premiers jours.

En 2006, le Québec créait le congé de paternité, offrant ainsi aux pères la possibilité de prendre un congé de cinq semaines, non transférable à la mère, dans l'année qui suit la naissance ou l'adoption d'un enfant. Selon les statistiques de 2012, 76% des pères québécois se prévaudraient de ce congé de paternité, alors que dans le reste du Canada, seulement 26% des pères avaient pris un congé dans l'année suivant la naissance de leur enfant.

Ce congé a notamment pour but de permettre aux pères de créer un lien d'attachement plus tôt dans la vie de l'enfant, et de favoriser leur implication auprès de celui-ci.

Être père… une expérience marquante!

J’en ai fait état plusieurs fois dans mes billets du rôle de prescripteurs que jouent les enfants face aux achats de la famille. Mais, les pères seraient encore plus faciles à manipuler face à la consommation de produits pour enfants. Pour les achats qu'ils effectuent seuls, ils sont sous l'emprise des mères qui leur soumettent une liste de courses et différentes recommandations, et sous celle de leur enfant, même s'ils déclarent rester décisionnaires des achats.

En ce qui concerne les jouets et les jeux, les pères recherchent les valeurs ludiques et pédagogiques, et sont sensibles aux marques qui, à leurs yeux, sont garantes de qualité et de sécurité. Au niveau vestimentaire, ils déclarent forfaits, laissant la place aux mères. Ils s'investissent donc davantage dans la consommation, tout en étant de plus en plus à l'écoute de leurs enfants. C'est pourquoi on peut aujourd'hui considérer le père comme une cible marketing à part entière, cible exigeante quant à l'image qu'elle renvoie, mais bien plus souple et malléable quant aux achats qui touchent à l'enfant.

Un constat des plus étonnant quand nous nous attardons au fait que le père n'a jamais été vraiment une cible publicitaire et ne l'est toujours pas. Peu osent en effet s'adresser directement aux pères si ce n'est de manière humoristique, malhabile ou dégradante dans leurs publicités.

Plusieurs groupes ont déploré les publicités sexistes dépeignant les femmes dans des rôles traditionnels dans les premiers balbutiements de la publicité, mais l’homme d’aujourd’hui est le nouveau bouc émissaire et une inspiration pour de nombreux publicitaires qui ne se gênent pas pour ridiculiser certains comportements maladroits.

Heureusement, certains annonceurs commencent timidement à présenter des pères enthousiastes et synonymes de parent compétent pour réaliser des tâches ménagères et responsabilités qui accompagnent le fait d’avoir un enfant. L’impact des réseaux sociaux et des commentaires de parents indignés auront certainement donné de bons arguments aux communicateurs pour briser ce pathétique cliché et ces nombreux stéréotypes. À l’international, la liste des annonceurs s’attardant aux papas et développant des concepts publicitaires mettant en vedette des pères compétents ne cesse de se bonifier chaque jour. Je suis surpris que le Québec tarde à s’imposer alors que nous avons connu des booms de natalités importants au cours des dernières années.

La marque de couches Huggies a fait preuve de beaucoup de leadership et d’audace en la matière en présentant une réalité de la vie quotidienne d’aujourd’hui. Ils ont impliqués 25 bloggeurs-pères influents pour créer une publicité montrant étonnamment... des papas jouer avec leurs enfants et changer des couches en toute confiance! Oui, oui, ça existe! ;)

La réalité c’est qu’Huggies réagissait à un tollé sur les réseaux sociaux de pères furieux de la façon qu'ils avaient été dépeints dans une publicité antérieure. La publicité montrait un groupe de papas et leurs bébés avec une voix-off qui disait: «Pour prouver l’efficacité des couches et des lingettes Huggies, nous les avons soumises à l'épreuve la plus difficile et imaginable: des papas, seuls avec leurs bébés, dans une maison, pour cinq jours.» (traduction libre)

Un homme au foyer

Le plus cocasse, c’est qu’au moment d’écrire ces lignes, mon correcteur grammatical automatique souligne le mot homme dans «homme au foyer»! Il y a certainement une erreur?!? À l’image de la société, les programmeurs derrière mon aide grammatical sous-estiment l’importance du nombre de pères au foyer impliqués dans les tâches ménagères et l’éducation de nos enfants.

En 2011, il y avait plus de 60 000 papas séjour à la maison au Canada, près du triple du nombre de pères qui restent à la maison au milieu des années 1970, selon Statistiques Canada. Et ils ont plus de pouvoir d'achat et sont devenus des acheteurs importants de produits pour leurs enfants.

Aux pères qui font le choix d’un emploi à temps plein au foyer avec beaucoup d’heures supplémentaires et qui choisissent d'offrir à temps plein, au foyer, leur énergie et leur affection à leurs enfants s’ajoutent les pères célibataires.

Une étude récente de Pew Research a révélé que le nombre de pères célibataires aux États-Unis a été multiplié par neuf depuis 1960. L'évolution démographique des pères consommateurs a des effets très importants pour les gestionnaires de marque.

De nombreux résultats de recherche démontrent le pouvoir d’influence des femmes dans la grande majorité des décisions d'achat. Les marques ont changé leurs stratégies et tactiques marketing pour mieux séduire la mère influente au cours des années.

Toutefois, le nombre croissant de pères célibataires et les pères qui restent à la maison est en croissance exponentielle, chaque jour. C’est un segment de marché que les gestionnaires de marque doivent absolument cibler avec des messages uniques et des campagnes qui reflètent leur réalité. Près d'une famille monoparentale sur quatre aux États-Unis serait dirigée par un homme. De toute évidence, c’est un public cible qui ne peut être ignoré.

Les pères se reconnaissent très peu dans les messages publicitaires destinés aux familles. Nous avons droit au volant «gainé» dans notre Caravan pour nous sentir plus viril comme dans une scène culte de l’excellent film Horloge Biologique. Je suis moi même papa de deux adorables princesses et je m’occupe d’un nombre important de tâches ménagères dont m’assurer que les pyjamas de la Reine des neiges (achetés par un père consommateur) sont toujours bien propres. La lessive à la lavande anti-stress a-t-elle réellement été conçue pour moi?