Le 1er juillet 2014 était la grande date du déclenchement de la loi anti-pourriel au Canada. Dans les deux dernières semaines de juin, votre boîte courriel a dû être assez sollicitée par des entreprises bien connues comme Lululemon, DeSerres ou Lush, pour avoir le sésame ultime de votre part afin de pouvoir continuer à vous envoyer des MECs (message électronique commercial): soit votre consentement Exprès!

Dans pas mal de cas, cette opération a fait des dégâts. En effet, beaucoup d’internautes en ont profité pour faire le tri dans leur lecture commerciale. Néanmoins, il y a eu aussi quelques aspects positifs dont nous allons vous parler…

Bien des entreprises ont pris ce prétexte comme une opportunité afin de redynamiser leur CRM et de trouver des manières créatives de communiquer avec leurs consommateurs. En proposant rabais et avantages divers aux clients qui demeurent sur leur liste d’envoi, ces compagnies ont transformé leur demande de consentement explicite en une occasion marketing.

Ensuite, les commerçants électroniques, qui voulaient rester à la page, ont décidé d’innover afin de conserver le même trafic sur leur site Web. Comme dans la plupart des relations, rien n’est jamais vraiment acquis. Il faut donc penser différemment pour regagner ce qui était considéré comme tel. Nous assistons à une recrudescence des modèles de marketing à valeur ajoutée basés sur la création de contenu original, car l’un des trucs pour augmenter l’abonnement à ses envois est de donner une carotte au consommateur. Cet incitatif peut prendre la forme d’une vidéo exclusive, d’un livre en PDF, d’un widget ou encore d’une application mobile.

L’obligation d’obtenir le consentement des consommateurs a également permis une certaine épuration des listes d’envoi des entreprises. Tout le monde le sait, une base de données marketing efficace est une liste d’abonnés qui sont vraiment intéressés à recevoir une communication. Comme dans pas mal de cas, ce n’est pas la grosseur de la liste d’envoi qui compte, mais sa qualité ! Il ne faut jamais oublier qu’à la base, ce qu’une entreprise veut, c’est donner envie aux clients de venir vers elle par une approche de marketing relationnel interactif. Le client qui va s’informer par choix deviendra beaucoup plus fidèle que celui que l’entreprise aura forcé à s’abonner à son infolettre.

Aussi, ce que la loi C-28 a prescrit depuis ces huit derniers mois, c’est d’utiliser de bonnes pratiques. En forçant les entreprises à faire leur marketing par courriel d’une façon plus adéquate, elle vient d’améliorer leurs techniques. Le courriel reste un mode de transmission intrusif, et envoyer un message au mauvais moment peut avoir un impact très négatif. Donc, à cause de la loi C-28, plusieurs entreprises qui nuisaient à leur propre marque sans s’en rendre compte ont cessé – ou cesseront bientôt – de le faire.

Maintenant, y a-t-il eu des impacts directs depuis la mise en vigueur de la loi? Si de lourdes amendes sont prévues à la loi - un million $ pour une personne physique et 10 millions $ pour une entreprise -, aucune sanction n'a encore été imposée sur 108 000 plaintes déposées sur les trois premiers mois d’application (exception faite de la sanction que le CRTC a imposé le 5 mars dernier à l'entreprise québécoise Compu-Finder. Cette dernière a 30 jours pour contester la décision du CRTC, sans quoi elle devra payer une amende de 1,1 million de dollars.

Rappelons que trois organismes sont à pied d’oeuvre : le CRTC, le Bureau de la concurrence et du Commissariat à la vie privée. Mais, encore une grande majorité des PME canadiennes sont encore très peu au courant de la loi et des obligations qui en découlent. Ce que l'on comprend de ce que nous dit le gouvernement, c'est que sa priorité n'est pas de viser les PME, mais bien les gros fournisseurs de pourriels. Dans les premiers temps, il semble qu'on part à la chasse au gros gibier!

De fait, dans sa description, la loi précise que l'objectif de la loi est de dissuader l'envoi au Canada de pourriels sous leurs formes les plus dangereuses et trompeuses, comme l'usurpation d'identité, l'hameçonnage et les logiciels espions. D’ailleurs, depuis le 15 janvier 2015, de nouvelles exigences sont la norme en matière d’installation de logiciels dans le cadre d’activité commerciale1.

Pour l'heure, plusieurs entreprises semblent tenir pour acquis qu'elles jouissent d'une période de grâce et que d'ici 2017, elles ne s'exposent qu'à de simples avertissements.

En conclusion, comme plusieurs experts l’affirment, nous sommes entrés dans l’ère du marketing de permission (Permission based marketing) qui, contrairement à la publicité, permet de développer une relation avec ses clients existants comme potentiels. Ce marketing ne se transfère pas d’une entreprise à une autre et son processus, qui prend du temps, peut être annulé par son consommateur à tout moment.

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1 http://www.crtc.gc.ca/fra/info_sht/i2.htm