21 décembre 2020: In memoriam, le journal papier n’est plus. Il laisse dans le deuil de nombreux lecteurs. Prière de ne pas envoyer de fleurs. Un don à la Fondation Web 2.0 serait grandement apprécié.

Lorsque j’entends dire par certains gourous des médias que les journaux disparaîtront d’ici 2020, mon degré d’exaspération monte aussi vite que le mercure d’un thermomètre par une belle journée de canicule. À lui seul, Google recense plus de 500 000 incidences sur le sujet!

Je suis de ceux qui croient fermement que la plupart des contenus convergeront tôt ou tard vers l’écran, sous toutes ses formes. J’estime aussi que les gens de médias vont beaucoup plus vite que le commun des mortels face au virage numérique. J’appartiens enfin au groupe qui pense que les plateformes peuvent cohabiter et que la naissance de l’une ne signifie pas automatiquement la mort de l’autre.

Les tablettes font parler, et avec raison. Il s’est vendu au Québec environ 15 000 iPad cette année, mais pour que la tablette atteigne une masse critique, il faudra en vendre quelque 2,8 millions de plus! À lire certains médias spécialisés en communication marketing, les journaux locaux et les quotidiens perdraient en un rien de temps leurs millions de lecteurs. Lorsque j’observe la situation des journaux au Québec, je pense que l’on néglige deux faits importants qui tendent à démontrer que tout est loin d’être perdu, particulièrement dans le monde de la presse hebdomadaire.

Hebdo ou quotidien?
Les situations qui prévalent chez les quotidiens et chez la presse hebdomadaire locale sont fort différentes. Les quotidiens sur support papier seront sans doute les premiers affectés par la tablette numérique, car l’impact d’internet se fait déjà sentir depuis longtemps pour eux, contrairement à ce qui se passe dans la presse locale. Par ailleurs, les quotidiens reposent sur le modèle d’affaires des publications payées alors que de plus en plus de gens ont pris l’habitude de consommer l’information gratuitement. Les journaux locaux s’appuient depuis toujours sur un modèle de gratuité et surtout, sur une distribution massive qui résulte par un taux de pénétration très élevé qui dépasse 80%. L’internet n’a pas affecté, à ce jour, la lecture des journaux locaux, car seulement 14% des lecteurs de la copie papier visitent aussi le site internet du journal. Sur la base de ces données, l’industrie bénéficie d’une marge de manœuvre suffisante pour prendre le virage que provoquera l’avènement des tablettes et de la mobilité.

Je vieillis, donc je lis
La population vieillit et les statistiques révèlent que le goût et l’habitude de lecture se développent surtout après l’âge de 35 ans. Le profil du lectorat des journaux locaux s’aligne sur celui de la population en général. Conséquemment, l’évolution de la courbe démographique du Québec permettra de soutenir en partie le marché des journaux locaux.

Dans le domaine de la presse locale, il existe une tradition de papier encore plus sérieusement ancrée dans les moeurs, car nous opérons dans le monde de proximité. Rien n’empêchera, par ailleurs, les lecteurs de consulter l’édition électronique du journal. Les deux modes de consommation cohabiteront, et bien au-delà de 2020 dans le cas des journaux locaux, puisque leur force continuera de reposer sur la proximité.

Le journal est-il appelé à mourir? Le papier n’offrira certes pas de grandes perspectives de croissance à long terme, mais il est clair dans mon esprit qu’il survivra après 2020 pour ce qui est de la presse locale. Dans l’avenir, la force du journal papier résidera dans cette capacité de sélectionner et de traiter des contenus pour les lecteurs, dans la mer d’informations disponibles sur le web. L’information locale continuera à jouir de sa pertinence pour le lecteur et de sa capacité à rejoindre les gens là où ils sont, quelle que soit la plateforme.

Le journal n’est pas encore mort, qu’on se le dise!