En juin 1989, lors de ma première présence au Festival international de publicité à Cannes, j’avais vu plus de 3000 films publicitaires durant la semaine. Mais c’est vers la fin de la journée du jeudi, alors qu’on présentait les catégories «Publicités gouvernementales» et «Grandes causes humanitaires», que j’ai ressenti un appel extrêmement puissant. Après ce bombardement en règle pendant trois heures de centaines de messages illustrant les pires calamités ou tragédies, allant de l’alcool au volant à la lutte au sida, puis de Greenpeace à Amnesty International, je me suis senti à la fois découragé… et stimulé! Il fallait que je fasse quelque chose de concret.

En sortant du Palais des Festivals, il pleut à boire debout! Installé sur une terrasse, à l’abri d’un parasol, je commande une bière au garçon étonné de mon désir de rester à l’extérieur. Je réfléchis. Pour quelle cause pourrai-je créer un message? Je sors ma plume fontaine de mon sac (eh oui, j’écrivais encore à la main à cette époque et j’aimais l’allure de ces plumes). Je me souviens alors que j’avais conçu en 1986, avec Michel-Thomas Poulin et à la demande de Marielle Séguin, une affiche pour souligner les 25 ans d’Amnistie internationale, comme 24 autres équipes de publicitaires de Montréal. Eurêka! Je réalise alors que je tiens la clé dans ma main. La plume est en effet l’outil qui permet d’écrire des lettres qui aident à faire libérer des prisonniers d’opinion. J’écris.

Revenu à Montréal, je m’empresse de faire dessiner le scénarimage par Béatrice Favereau, illustratrice française alors stagiaire à l’agence, et j’appelle Daniela Renosto, responsable des communications chez Amnistie à Montréal. J’obtiens un rendez-vous avec le directeur général Gilles Corbeil, qui se dit intéressé tout en expliquant qu’il n’a pas de budget pour produire un tel message. «Il n’a jamais été question d’argent», que je rétorque! Quelques jours plus tard, à la fin d’une rencontre de pré-production à la Fabrique d’images pour une publicité commerciale, je sors le storyboard et le jeune réalisateur, Christian Duguay, s’exclame: «Je veux le faire!» Et toute l’équipe suivra, entièrement bénévolement. Plus de 30 personnes sur le plateau de tournage! Avec la musique de Jean Robitaille, la voix de la comédienne Andrée Lachapelle… un souvenir impérissable.

C’est avec un plaisir toujours renouvelé que j’ai créé, produit et coréalisé un quinzième message pour Amnistie internationale. Pour la première fois, nous avions sur le plateau de tournage une victime, Imen Derouiche, une Tunisienne qui vit maintenant au Québec après avoir été emprisonnée dans son pays en 1998, pour avoir manifesté contre la hausse des frais de scolarité et le régime de Ben Ali. Torturée, violée et finalement libérée, quinze mois plus tard, grâce à des lettres signées par des milliers de personnes outrées, elle est devenue porte-parole de cette cause depuis. Encore une fois, toute une équipe a travaillé bénévolement dans l’ombre, dont quatre amis tunisiens d’Imen pour la figuration, Jean-François Hamelin à la réalisation et au montage, Pierre Duchesne pour la musique et une dizaine d’autres personnes dont vous trouverez les noms sur le blogue qui raconte toute l’histoire de ce clip.

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Causes? Toujours!
Richard Leclerc, concepteur-réalisateur
Publici-Terre – www.reseaupubliciterre.org