Cette année, je célébrerai le quinzième anniversaire de ma vie de travailleur autonome. Ironiquement, je pourrais dire que je suis venue à l’entrepreneuriat un peu par accident, puisque lorsque j’ai commencé à réfléchir à mon offre de service, je n’avais pas en tête de me lancer à mon compte, mais plutôt de développer des services de transition professionnels au sein du cabinet de recrutement où je travaillais alors.

Ma principale motivation pour m’engager dans cette aventure était d’utiliser l’expertise que j’avais développée pour appuyer les candidats dans leur cheminement professionnel, plutôt que d’offrir mon soutien aux employeurs dans le cadre de mandats de recrutement. En quelque sorte, «passer de l’autre côté de la table». En ce sens, je suis comblée, même si la vie de travailleur autonome n’est pas toujours de tout repos.

Je rencontre souvent en consultation des gens qui s’intéresse au travail autonome et à l’entrepreneuriat. Leurs motivations pour s’engager dans cette voie est souvent négative, c’est-à-dire qu’ils cherchent davantage à fuir quelque chose qu’ils ont déploré dans leur dernier emploi, plutôt que d’être en quête de quelque chose qu’ils désirent. Dans certains cas, c’est la recherche d’emploi elle-même, plutôt qu’une quelconque caractéristique d’un emploi, qu’ils tentent d’éviter.

C’est en effectuant des recherches pour élaborer une liste des bonnes et mauvaises raisons de considérer l’entrepreneuriat que j’ai pu constater combien les avis sont partagés à cet égard. La conclusion est simple, il est utile d’apprécier avec nuance ce qui motive chacun à se lancer en affaires. Parfois les bonnes raisons de l’un seront de mauvais fondements pour l’autre… Pour ne plus avoir de patron: bye bye boss!

Ne plus vouloir ou ne pas être capable de travailler pour quelqu’un d’autre est l’une des motivations les plus fréquemment invoquées par ceux qui souhaitent devenir leur propre patron. Ce rejet de la supervision d’autrui provient en fait de multiples raisons:

• La frustration liée au manque d’autonomie ou de portée décisionnelle relative au niveau de responsabilité;
• L’incompréhension ou la mauvaise appréciation des exigences de leur fonction par leur supérieur;
• Le manque de reconnaissance de leurs réalisations ou leurs efforts;

• Les lacunes dans le style de gestion ou les compétences interpersonnelles du patron;
• La difficulté de se plier à l’horaire ou aux méthodes de travail d’autrui;
• Le désir de quitter « le milieu corporatif » ou l’entreprise « traditionnelle »;

Certains songeront donc à se lancer en affaires simplement parce qu’ils ont eu la malchance de travailler au sein d’une entreprise dont les politiques de gestion sont trop rigides, ou sous la férule d’un personnage désagréable.

La mauvaise nouvelle? Les travailleurs autonomes et autres entrepreneur vous diront qu’ils ont en fait plusieurs patrons. Chacun de leur client est leur patron, ne serait-ce que pour le temps d’un contrat, chacun de ces clients est en droit d’avoir des attentes spécifiques à leur endroit. Encore plus qu’il aurait à le faire dans un emploi, le travailleur autonome se doit de s’assurer de préciser, souvent négocier et parfois simplement s’adapter aux attentes de ses clients.

Répondre aux désirs de tous, en donnant à chacun le sentiment que son mandat est géré de façon prioritaire, requiert parfois des talents d’équilibriste et de jongleur. Plusieurs entrepreneurs vous diront également être à la merci de leurs collaborateurs et leurs fournisseurs. Alors qu’ils auraient aimé laisser derrière eux la nécessité de produire des rapports de leurs activités, maintenant ils doivent en répondre auprès de diverses instances gouvernementales. Ça c’est sans parler de l’œil vigilant de leur banquier…

La bonne nouvelle? S’il peut être difficile de s’adapter à toute une série de «patrons» qui se succèdent, avec le passage des années, dans plusieurs domaine il est possible d’établir une clientèle régulière composée de gens avec lesquels on partage certaines affinités. Pour enfin faire ce qu’ils aiment/ce pourquoi ils possèdent un talent certain.

Être à son compte, se lancer en affaires, requiert une expertise spécifique dans un domaine donné ET des «compétences d’affaires» très polyvalentes. Tout entrepreneur se doit de devenir un généraliste. Vous pouvez être le meilleur programmeur ou graphiste au monde, si vous n’êtes pas en mesure de bien représenter votre entreprise et développer des affaires, rédiger une offre de service ou tenir une comptabilité de base, vous ne serez pas à votre compte très longtemps. Si vous souhaitez mettre en marché un produit, vous devrez vous familiariser avec la gestion de la production et de l’inventaire, l’emballage et la mise en marché. Ça c’est sans parler de la gestion des ressources humaines, si vous devez bâtir une équipe, ou de la maîtrise des lois, du cadre réglementaire qui régit certains secteurs d’affaires.

La bonne nouvelle? Si vous êtes très curieux de nature, si vous aimez la variété et les nouvelles expériences, si vous vous nourrissez d’apprentissage continu, si vous appréciez ce qui met au défi votre ingéniosité et votre capacité à résoudre des problèmes, l’entrepreneuriat est peut-être pour vous!

Parce que vous croyez avoir l’idée, le concept du siècle!

Certains entrepreneurs connaissent la réussite, sans pour autant avoir une proposition d’affaires révolutionnaire, alors que d’autres abandonneront leur projet d’affaires ou iront à la faillite, avec ce qui semblait à l’origine être un projet de génie.

Selon Thomas Edison, «Le génie c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration». Les embûches au lancement d’une entreprise se situent beaucoup plus souvent au niveau de l’exécution qu’au niveau de l’idéation. On pourrait parler longuement de l’effort qui est nécessaire pour établir une pratique en travail autonome ou développer une entreprise.

Mais s’il faut avoir la force du chêne pour bâtir son affaire, il est tout aussi important de démontrer cette autre qualité dont cet arbre est symbole, la sagesse. La sagesse, c’est la capacité de jugement situationnel qui indiquera à l’entrepreneur qu’il se doit de persévérer dans une direction, ou lorsqu’il devrait plutôt faire preuve de la souplesse du roseau, pour adapter son projet en fonction de l’éclairage qu’apportent de nouvelles circonstances.

Plusieurs entrepreneurs en devenir sont découragés non par l’effort à consentir, mais par la nécessité d’adapter leur vision de leur entreprise et de son offre aux réalités du marché. Ceux qui réussissent parviennent à intégrer les apprentissages de leur quotidien professionnel à leur façon de faire sur une base continue, plutôt que de rigidement tenter d’imposer leur concept d’origine.

Parce que vous voulez devenir riche

S’il s’agit de votre principale motivation pour viser l’entrepreneuriat, espérons que vous connaîtrez la prospérité rapidement. Autrement, si aucun autre facteur ne vous y motive, si les projets à bâtir ne vous passionnent pas, si les tâches à accomplir ne présentent pas en elles-mêmes de l’intérêt pour vous, je vous plains de vouloir devenir entrepreneur.

Comment arriverez-vous à endurer les demandes pas très éclairées de certains clients, les horaires insensés et les autres inconvénients de votre situation? Comment pourrez-vous tolérer le risque financier associé à certains projets, l’angoisse d’une période de creux? Si vous êtes animé par le désir de faire ce que vous aimez, en plus de la nécessité de gagner votre vie, votre passion vous amènera à innover et vous démarquer de votre concurrence. Où puiserez-vous une telle inspiration si votre seul intérêt est de faire sonner la caisse?

Parce que vous aspirez à un meilleur équilibre travail-vie

Après quelques années, les entrepreneurs qui y aspirent arrivent à instaurer un équilibre travail-vie satisfaisant, mais c’est rarement ce qu’ont vécu la plupart au moment du démarrage de leur entreprise.

Loin de moi l’idée de décourager qui que ce soit de se lancer en affaires. Le Québec manque d’entrepreneurs, comme en faisait état un article d’il y quelques années dans Jobboom qui parlait même de crise dans l’entrepreneuriat au Québec. Mon propos vise plutôt à encourager une réflexion plus approfondie chez ceux qui considèrent une telle avenue.

Il existe divers outils pour vous aider à déterminer si vous avez un profil entrepreneurial, dont cet outil d’autoévaluation de l’entrepreneur disponible sur le site de La Banque de développement du Canada.

Un site des Chambres de Commerce et d’Industrie de la France réfère également à l’outil de la BDC tout en proposant aussi un test de personnalité «Avez-vous les principaux traits de caractères d’un entrepreneur» et d’autres outils.

Si vous décidez de vous lancer et voulez trouver des ressources pour soutenir le démarrage de votre entreprise, regardez tout d’abord du côté des Centre Locaux d’Emploi (CLE), le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale offre notamment le programme «Soutien au travail autonome».

Si vous ne répondez pas aux critères d’admissibilité de ce programme, vous pourriez néanmoins recevoir de la formation et du soutien pour vous lancez en affaires. Si vous ne trouvez pas le support qui vous est nécessaire auprès de votre Centre Local d’Emploi, votre Centre Local de Développement peut également être un bon point de départ. Chaque région offre des programmes adaptés à la demande de son secteur, certains viseront à soutenir l’intégration des nouveaux arrivants, le développement d’entreprises autochtones, la relève agricole, etc…

Pour les 18 à 35 ans, le site «J’entreprends» a beaucoup à offrir – pour plus d’information sur les programmes, s’adresser au Centre emploi Jeunesse de la région visée.

Plusieurs organisations offre aussi des services adaptés aux besoins de profils spécifiques. À titre d’exemple le Centre d’Entrepreneuriat Féminin ou le programme d’aide aux jeunes créateurs http://www.jeunescreateurs.qc.ca/ de la SODEC.

Enfin, si vous recherchez des ressources pour vous aider à mieux gérer le stress associé à la vie d’entrepreneur et lisez l’anglais, je vous suggère fortement la lecture de «Birthing the Elephant». Il relate le vécu psychologique et émotionnel d’entrepreneures et s’adresse tout d’abord aux femmes qui souhaitent se lancer en affaires, mais plusieurs hommes de mes connaissances l’ont lu, apprécié et recommandé à d’autres hommes! Du même auteur, un livre moins récent, mais tout aussi pertinent, «How to Succeed on your Own».