Vous connaissez le bilboquet? Ici, il ne s’agit pas du célèbre glacier d’Outremont et encore moins de la microbrasserie de St-Hyacinthe. Il est bel et bien question du jeu d’adresse qui consiste, par un mouvement utilisant une seule main, à lancer la boule retenue par la ficelle de façon qu’elle retombe sur la tige et s'y enfile seule. C’est un jeu de bois, du très «low tech»!

Or ici, dans les Cantons-de-l’Est, il fait concurrence aux Nintendo DS et PSP de ce monde. Il sévit dans les cours d’école, à l’aréna, au supermarché, au parc et dans les rues. Quand on y porte une attention particulière, on constate qu’il ne s’agit pas de bilboquets classiques. Au lieu de faire retomber la boule sur une tige, le principe est d'effectuer des figures en faisant évoluer la boule sur différentes parties du manche. «Mais voyons papa! Ce n’est pas un bilboquet. C’est un ken-da-ma! Dis, tu m’en achètes un?»

La croissance de popularité du kendama serait phénoménale au Québec et ailleurs dans le monde. Il se pratique seul ou en groupe, en silence ou au rythme des musiques branchées de l’heure. Certains pays se sont dotés de fédérations de joueurs de kendama. Celles-ci organisent des compétitions par niveau et par style. D’autres, dit-on, auraient poussé l’audace jusqu’à créer des chorégraphies autour du kendama. S’il est en vogue ici, qu’en est-il dans son pays d’origine, le Japon?

JoJi, mon ami tokyoïte rigole. «Je n'avais jamais imaginé que ce jeu traditionnel japonais faisait sensation à l'étranger». Impopulaire surtout après l'apparition de jeux de vidéo dans les années 1980, le kendama, précise-t-il, se serait ranimé au 21e siècle. Aujourd'hui, beaucoup d'écoles primaires japonaises intègreraient ce jeu dans leur programme d'enseignement. La pratique du kendama contribuerait à améliorer le niveau de concentration des enfants. Joji m’explique que son fils de 8 ans commence sa journée, deux fois semaine, en jouant du kendama. Souvent, on en joue en récitant une comptine, notamment celle de la tortue.

Le kendama aide-t-il vraiment la concentration des jeunes? Il semblerait que ce soit vrai. D’ailleurs, les jeux dits de motricité fine ont fait l’objet de nombreuses études et recherches en habiletés sociales et émotionnelles. Elles auraient démontré que leurs vertus sont multiples. Ainsi, elles ont révélé que la pratique régulière et systématique de ce type de jeu aiderait les jeunes à mieux exprimer leurs émotions, à mieux identifier les valeurs. Il leur enseignerait à se donner des objectifs et à planifier leur travail afin de les atteindre. Il développerait la persistance et favoriserait la confiance en soi.

Plusieurs études démontrent que la pratique régulière de jeux tel que le kendama tend à améliorer la coordination des mouvements et l’équilibre. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre qu’il retienne aussi l’attention des chercheurs japonais en intelligence artificielle et en robotique. De fait, certains programmes informatiques qui gèrent la coordination des mouvements de certains robots auraient été mis au point grâce à l’étude du kendama.

L’engouement d’une certaine jeunesse pour le kendama n’a rien d’étonnant, bien que ce jeu soit sans pile, sans capteur, sans écran et sans clé USB. Le kendama est intuitif, il donne l’occasion de se démarquer, de se faire remarquer. Puis, il fédère celles et ceux qui le pratiquent. Jumeler à internet, il donne l’occasion de s’ouvrir sur le monde et de se faire voir par le monde. Mieux encore, il est «contagieusement» ludique.

Vous ou votre jeune ne jurez que par la haute technologie, surtout si elle est de toute dernière génération japonaise? Nul besoin de vous exclure de la vague kendama. Vous pouvez, vous aussi, profiter de certains de ses plaisirs. Il existe une version pour iPhone. N’attendez plus. Téléchargez-la!

Au fait, le kendama n’est pas aussi japonais qu’on le pense. C’est dans la France du 16e siècle qu’est né l’ancêtre du kendama, le bilboquet. Après avoir transité par la route de la soie, le bilboquet serait arrivé au Japon au 18e siècle. À cette époque, le bilboquet était un jeu d’adulte. Le joueur qui manquait son coup devait alors faire cul sec! Il faudra attendre les années 1920 pour que le kendama prenne sa forme actuelle et devienne un jeu d’enfant.

«Papa! Alors, tu m’achètes un kendama?»

Par Paul-Guy Duhamel
Directeur de compte et analyste sénior, Virus 1334

Références:
Ecological Psychology, The Dynamical Stability of Visual Coupling and Knee Flexibility in Skilled KendamaPlayers, Mariko Ito a , Hiroyuki Mishima b & Masato Sasaki ca Graduate School of Interdisciplinary Information Studies, The University of Tokyo, Japan b Faculty of Human Sciences, Waseda University, Japanc Graduate School of Education, The University of Tokyo, Japan, Published online: 07 Nov 2011

Teaching by showing in Kendama based on optimization principle, Kawato, M.1; Gandolfo, F.; Gomi, H.; Wada, Y.1 ATR Human Processing Res. Labs., Kyoto, Japan, ICANN '94. Proceedings of the International Conference on Artificial Neural Networks