Il m’est arrivé de rencontrer des personnes qui avaient dû être en arrêt de travail à plusieurs reprises, parce que les exigences de leur milieu de travail excédaient tout simplement ce qu’ils pouvaient offrir. Parfois les attentes placées sur eux avaient crues pour atteindre un niveau extraordinairement élevé, mais souvent les demandes n’avaient pas varié: leur évolution personnelle avait fait en sorte de modifier la dynamique de leur existence, les rendant incapables de maintenir l’équilibre des diverses sphères de leur vie.

On utilise communément le terme burnout pour désigner divers diagnostics, le plus souvent, le «trouble de l'adaptation», qui est en quelque sorte l’apparition de symptômes émotionnels marqués (irritabilité, tristesse, anxiété, etc.) ou d’un dysfonctionnement professionnel (difficultés de concentration, indécision) ou social (isolement, conflits, etc.) en réaction / réponse à une ou plusieurs situations stressantes. Comme l’indique le nom, le trouble de l’adaptation implique nécessairement que l’on essaie de s’adapter à quelque chose.

On pense a priori aux facteurs négatifs, aux situations d’adaptation qui découlent de changements déplorés: plusieurs souffriront lorsqu’une réduction d’effectif a pour impact d’alourdir leur propre tâche: ils s’épuiseront à travailler, en cumulant des heures supplémentaires excessives sur une longue période. D’autres souffriront de la perte d’un patron apprécié, qui est remplacé par une personne exerçant un style de gestion allant à l’encontre de leurs convictions – certains estimeront être victime de harcèlement.

Les situations qui exigent que l’on s’adapte peuvent par ailleurs nous être favorables, elles ont même parfois été désirées. Qui n’a pas connu quelqu’un ayant perdu sa santé à travailler à l’ambitieux projet dont il rêvait d’obtenir la direction? Ou des personnes épuisées par le stress associé à la construction ou la rénovation de leur maison?

Même la naissance d’un enfant accueilli avec joie par ses parents est une situation qui met à l’épreuve la capacité d’adaptation, puisqu’elle exigera de ces derniers qu’ils revoient leurs habitudes de vie et ajustent leurs routines de travail pour trouver un nouvel équilibre. J’ai souvent vu de jeunes parents épuisés de devoir conjuguer les exigences du travail et les besoins de leurs familles. Alors qu’ils appréciaient avoir l’opportunité de voyager à l’étranger par affaires, avant la venue de leurs enfants, ils abhorraient maintenant l’idée de devoir négocier leur disponibilité avec leur conjoint. Ils se culpabilisaient de ne pas pouvoir être présent et de faire porter à leur conjoint un fardeau additionnel. Ils anticipaient avec anxiété la logistique complexe qu’ils devaient mettre en place à chacune de leur absence, pour veiller au bien-être de leur progéniture.

D’autres dont les rejetons sont un peu plus vieux, auront à peine commencé à apprécier le sentiment de liberté que leur apporte l’autonomie gagnée par leur descendance, lorsqu’ils sont confrontés à la nécessité d’aider leurs parents vieillissants.

En somme, non seulement des changements organisationnels peuvent vous avoir rendu vulnérable, mais dans les faits, n’importe quelle modification de votre équilibre de vie peut faire en sorte de solliciter grandement votre capacité d’adaptation. À l’extrême, un emploi qui vous convenait tout à fait il y a quelques années, deviendra intolérable et mettra votre santé en péril.

Après un arrêt de travail, lorsque le repos et d’autres traitements ont fait leur œuvre, plusieurs retournent au même emploi. Bien que leur fonction ne soit guère modifiée, ils parviennent néanmoins à reprendre leur vie professionnelle d’avant, tout en maintenant leur équilibre. D’autres auront beaucoup plus de mal à retourner en poste: la nature de leur rôle fait en sorte qu’il n’est pas possible d’alléger leurs responsabilités et ils ne peuvent pas non plus se dégager de leurs responsabilités familiales: bébé et mémé ont leurs besoins!

Souvent ceux-là aimeraient quitter leur emploi pour rechercher une situation professionnelle mieux adaptée à leurs capacités, mais ils y retournent parce qu’ils ont entendu dire que l’assurance-emploi ne permet pas d’obtenir une indemnisation lors d’un départ volontaire. Parce que peu d’entre nous peuvent se permettre de quitter un emploi sans en avoir obtenu un autre auparavant ou avoir à tout le moins un revenu minimal de remplacement, certains retourneront à leurs fonctions après 2-3 arrêts de travail.

Ils gagneraient à savoir que dans les faits, la loi sur l’assurance-emploi prévoit certaines circonstances dans lesquelles un départ volontaire peut être considéré justifié au regard de la loi, ainsi, l’agent de l’assurance-emploi a la latitude d’exercer son jugement pour déterminer du bien-fondé de chaque cas précis.

Le «Guide de la détermination de l’admissibilité à l’assurance-emploi» disponible sur le site de Service Canada, précise au sixième chapitre consacré au départ volontaire, des circonstances spécifiquement mentionnées dans la loi (6.5.1.) et circonstances qui s’inspirent de la jurisprudence (6.5.1) qui devraient être considérées pour déterminer si le départ volontaire est fondé. Un aide-mémoire (6.8.0) présente une liste des «40 principaux motifs qui ont constitué historiquement dans la jurisprudence autant de motifs pouvant justifier le départ volontaire» et rappelle «qu’une personne est fondée au sens de la loi à quitter volontairement son emploi, si compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas».

Cette section traite notamment de «situation de préjudiciable à l’état de santé reliée au travail ou au milieu de travail». Il y est expliqué qu’une «recommandation médicale au dossier attestant qu’il n’est pas raisonnable de continuer dans cet état» pourrait permettre au travailleur de quitter volontairement son emploi tout en maintenant son admissibilité à des prestations. On y indique également qu’à défaut d’une recommandation médicale, des déclarations crédibles du prestataire seront prises en considération.

Le document précise que le demandeur doit avoir tenté de régler la situation en exerçant les recours à sa disposition pour apporter une solution raisonnable au problème. On lui demandera s’il a tenté de discuter de la situation avec son employeur, on tentera de faire la distinction entre une situation qui pourrait être qualifiée de pénible, plutôt que tout simplement insatisfaisante. Certaines explications et justifications pourront être entendues, par exemple, sous le motif no. 6, «Situation intolérable – tâches» il est souligné que «le fait que plusieurs personnes aient déjà quitté peut servir d’indice».

Lorsque le travailleur est employé par une organisation syndiquée, on exigera d’un employé qu’il fasse la démonstration qu’il a sollicité le soutien de son syndicat dans sa quête de solutions raisonnables.

Il est à comprendre qu’il s’agit d’une situation de dernier recours lorsqu’on est face à un cul-de-sac. Si vous avez tenté de discuter avec votre employeur pour obtenir des modifications à vos responsabilités ou un allègement de vos tâches, si vous avez essayé de changer vos habitudes de vie et de vous libérer de certains engagements personnels et que vous ne parvenez toujours pas à maintenir votre équilibre, il est peut-être temps d’agir.

Il est certain que l’assurance-emploi vous offrira des revenus diminués. Mais lorsque votre rétablissement ou le maintien de votre santé est en jeu, il est peut-être raisonnable de considérer cette voie pour sortir du cul-de-sac.

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Nathalie offre des services de transition professionnelle aux personnes insatisfaites de leur vie professionnelle, en perte d’emploi ou ayant subi une perte de capacités suite à une invalidité. Elle puise sa connaissance de l’employabilité et de la mobilité professionnelle de son expérience passée à titre de recruteur et de son évolution des 15 dernières années à titre de consultante en réadaptation et transition professionnelle.

Consultez son site web Lord & Complice.